La luthiste Elisa La Marca s’invite aux Queenes Maskes

La musique de la cour d'Angleterre de la fin du XVI^e siècle et du début du XVII^e, bénéficie avec l'enregistrement intitulé The Queenes Maskes, d'une interprète inspirée, qui allie technique et fantaisie dans une approche noble, voire royale.

Continuiste au sein d'orchestres baroques de premier plan comme la Cappella Mediterranea, Il Pomo d'Oro, Il Giardino Armonico, soliste quand l'occasion lui en est donnée, la luthiste Elisa La Marca offre aujourd'hui un premier album solo de belle facture autour des masques de la Renaissance organisés sous le règne de la reine Elisabeth I^e (1558-1603) et son successeur Jacques I^er (1603-1625), deux souverains qui voyaient dans ces divertissements artistiques un outil politique de première envergure en faveur de la cohésion à la fois du pays et aussi des courtisans autour de leur personne et de leur pouvoir.

Durant cette période de la Renaissance, chaque masque était un moment d'exception, malheureusement éphémère. De fait, cette musique, mêlée à cette occasion à toutes les autres formes scéniques du spectacle vivant, n'a que trop peu traversé le temps, les traces écrites étant aujourd'hui absentes ou dispersées. Pour cet enregistrement, Elisa La Marca s'appuie principalement sur une anthologie du luthiste Robert Dowland, le Varietie of Lute-Lessons, où sont réunies 42 œuvres des plus grands luthistes-compositeurs de leur époque, des transcriptions imprimées en 1610 et intégralement dédiées aux masques et aux danses de cour.

Le caractère dansant de ces pièces, souvent fondées sur les caractéristiques de danses populaires telles que la pavane, la gaillarde et l'allemande, se retrouve ici par une élégance très agréable et un ligne musicale raffinée et subtile. Avec son luth Renaissance à 8 chœurs du luthier Juan Carlo Soto créé en 1997 selon un instrument de Giovanni Hieber, Elisa La Marca fait preuve d'une virtuosité manifeste mais peu ostentatoire, s'illustrant par exemple dans la mélodie de Sir John Smith, his Almaine de John Dowland (le père) qui coule telle un petit ruisseau. Les attaques et autres accents sont tout aussi élégants dans Coranto 3 et dans Monsieurs Almaine de Daniel Bacheler, alors qu'une atmosphère presque spirituelle se déploie dans Pavan 3 de Thomas Morley et qu'une mélancolie lumineuse caractérise The Last of the Queenes Maskes. Le jeu souple et précis de la luthiste s'affirme quant à lui dans The Right Honourable Robert Earl of Essex, High Marshall of England, his Galliard de John Dowland.

Les auditeurs français s'amuseront de la présence de deux de leurs compatriotes dans ce disque : le valet de chambre d'Henri IV, Julien Perrichon, dont la pièce John Perrichon, his Coranto offre à l'interprète un bref moment enlevé (44 secondes !) dans une programmation musicale principalement douce et délicate. Robert Ballard, tuteur de Louis XIII, est aussi présent avec un pétillant Mounsier Ballard, his Coranto.