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Nancy. Opéra national de Lorraine. 28-II-2025. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Eugène Onéguine (Евгений Онегин), opéra en trois actes sur un livret de Piotr Ilitch Tchaïkovski et Constantin Chilovski, d’après Alexandre Pouchkine. Mise en scène : Julien Chavaz. Reprise de la mise en scène : Alixe Durand Saint Guillain Scénographie : Amber Vandenhoeck. Costumes : Sanne Oostervink. Lumières : Eloi Gianini. Avec : Jacques Imbrailo, Eugène Onéguine ; Enkeleda Kamani, Tatiana ; Robert Lewis, Lenski ; Héloïse Mas, Olga ; Adrien Mathonat, Prince Gremine ; Julie Pasturaud, Madame Larina ; Sophie Pondjiclis, Filipievna ; Joé Bertili, Zaretski, un Capitaine ; François Piolino, Monsieur Triquet ; Wook Kang, un Paysan ; Steven Beard, le Jardinier. Chœur de l’Opéra national de Lorraine (chef de chœur : Guillaume Fauchère), Orchestre de l’Opéra national de Lorraine, direction : Marta Gardolińska
Mise en scène poétique et respectueuse, distribution impeccable et pleinement investie, direction et orchestre ardents conduisent ce nouvel Eugène Onéguine nancéien à l'évidence et au succès.
Créée au Théâtre de Magdebourg, coproducteur du spectacle avec l'Opéra national de Lorraine, la mise en scène de Julien Chavaz sait se faire discrète, s'effacer devant l'œuvre sans se montrer platement illustrative. Les costumes simples et campagnards sans connotation d'époque ou de localisation précise de Sanne Oostervink, le décor aéré et largement ouvert d'Amber Vandenhoeck (le jardin et la terrasse de Madame Larina aux deux premiers actes, un grand rideau de fond pour la salle de bal du III) visent à l'universalité. L'évocation des diverses ambiances est confiée aux lumières inspirées d'Eloi Gianini, comme cette atmosphère nocturne envahie par le brouillard pour le duel entre Onéguine et Lenski. Dans un respect constant du déroulé de l'action et des didascalies, Julien Chavaz y introduit des éléments oniriques ou poétiques qui ravivent l'intérêt : un énigmatique jardinier qui semble revivre des bribes de sa vie passée et tente d'intervenir pour en modifier le cours comme lors du duel, des ombres furtives sur la terrasse tels des fantômes du passé ou des témoins du présent. Tatiana calligraphie sa lettre à Onéguine dans l'air et le vide, lettre dont les bribes déchirées tombent des cintres avant qu'elle ne la retrouve terminée et cachetée sur une table surgie des profondeurs.
En charge de la reprise de cette mise en scène, Alixe Durand Saint Guillain a su y retrouver ce qui en fait le prix. L'important travail de répétition (6 semaines paraît-il) porte ses fruits dans la variété des attitudes, des mimiques, des regards, des intonations qui métamorphosent les personnages de Pouchkine et Tchaïkovski en êtres de chair et de sang d'une totale crédibilité. Les chanteurs ont l'âge et le physique de leurs rôles. Et le chœur n'est pas oublié ; chorégraphié, agissant, individualisé, il joue le triple rôle d‘observateur et de pression sociale, de commentateur et de juge.
Dans ce théâtre de la vie, l'Eugène Onéguine de Jacques Imbrailo est confondant de justesse. De son timbre somptueux, avec éclat et puissance, il en investit toutes les facettes de la morgue et l'ennui du début à la passion désespérée de la fin. Après sa merveilleuse Traviata, Enkeleda Kamani revient à Nancy pour incarner une Tatiana d'un aussi haut niveau. Tour à tour soutenue avec des aigus dardés à l'éclat métallique ou introvertie avec des demi-teintes et des messe di voce qui laissent la salle en apesanteur, la voix suit toutes les étapes de l'évolution dramatique, toujours vraie, toujours en situation, toujours investie. Face à cette Tatiana mélancolique et rêveuse, l'Olga d'Héloïse Mas apporte le contrepoint de joie et de fantasque avec sa voix au grain riche et aux graves sonores et superbes. Le ténor Robert Lewis complète ce beau quatuor en Lenski, où son souci des nuances et la variété d'intensité ou d'intonation sont pleinement convaincants (l'air « Kuda, Kuda » du tableau du duel) malgré une tendance à trop forcer dans le registre aigu.
La qualité de la distribution réunie par l'Opéra national de Lorraine se poursuit aussi dans les rôles plus secondaires. Qu'il s'agisse du Prince Gremine aux graves profonds et au legato soutenu d'Adrien Mathonat, plus jeune qu'à l'accoutumée, de Julie Pasturaud en Madame Larina avenante et profondément humaine, de Sophie Pondjiclis en Filipievna maternelle et touchante, du haut relief que donne François Piolino à Monsieur Triquet, du Zaretski de Joé Bertili ou du Paysan de Wook Kang, tous retiennent l'attention par leur constante qualité du chant et leur véracité dramatique. Malgré les difficultés potentielles de la langue russe, bien préparé et fortement sollicité, le Chœur de l'Opéra national de Lorraine réussit lui aussi une prestation irréprochable.
Dans la fosse, la cheffe Marta Gardolińska assure avec fermeté cohésion et avancée. Elle soigne les ambiances et varie souplement les tempos à des fins dramatiques. En pleine harmonie avec Enkeleda Kamani, la construction de la célèbre scène de la lettre est ainsi totalement aboutie. Face à cette direction toujours variée et renouvelée, puissamment lyrique mais sans mièvrerie ni excès de pathos, l'Orchestre de l'Opéra national de Lorraine apporte une contribution décisive par sa concentration, sa réactivité, la qualité de sa pâte sonore, où l'homogénéité des cordes le dispute à la saveur des interventions instrumentales (bois et cors notamment). Un Eugène Onéguine réussi en toutes ses composantes.
Crédits photographiques : Jacques Imbrailo (Onéguine) / Enkeleda Kamani (Tatiana) / Sophie Pondjiclis (Filipievna), Enkeleda Kamani (Tatiana), Héloïse Mas (Olga), Choeur de l'Opéra national de Lorraine © Jean-Louis Fernandez
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Nancy. Opéra national de Lorraine. 28-II-2025. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Eugène Onéguine (Евгений Онегин), opéra en trois actes sur un livret de Piotr Ilitch Tchaïkovski et Constantin Chilovski, d’après Alexandre Pouchkine. Mise en scène : Julien Chavaz. Reprise de la mise en scène : Alixe Durand Saint Guillain Scénographie : Amber Vandenhoeck. Costumes : Sanne Oostervink. Lumières : Eloi Gianini. Avec : Jacques Imbrailo, Eugène Onéguine ; Enkeleda Kamani, Tatiana ; Robert Lewis, Lenski ; Héloïse Mas, Olga ; Adrien Mathonat, Prince Gremine ; Julie Pasturaud, Madame Larina ; Sophie Pondjiclis, Filipievna ; Joé Bertili, Zaretski, un Capitaine ; François Piolino, Monsieur Triquet ; Wook Kang, un Paysan ; Steven Beard, le Jardinier. Chœur de l’Opéra national de Lorraine (chef de chœur : Guillaume Fauchère), Orchestre de l’Opéra national de Lorraine, direction : Marta Gardolińska
je souscris sans réserve à cette appréciation.
la représentation d’hier soir était un pur enchantement.
je serais juste un peu moins enthousiaste quant à l’occupation un peu approximative de la scène par les choeurs mais ce n’est qu’un détail
l’orchestre aussi s’en tire très bien et les très rares anicroches du cor n’enlèvent rien à la cohérence de la trame à la fois soyeuse et expressive
direction impeccable, interprètes totalement investis dans leur rôle et attentifs les uns aux autres
Merci pour votre avis sur ce spectacle.