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À la découverte de la basse baroque avec Nahuel di Pierro

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Michelangelo Rossi (1601/02-1656) : Sinfonia per introdutione del prologo extraite de Erminia sul giordano. Claudio Monteverdi (1567-1643) : « Amici, è giunta l’hora » extrait de L’incoronazione di Poppea. Francesco Cavalli (1602-1676) : « Ma qual pungente arsura » extrait de Ercole amante. Antonio Sartorio (1630-1680) : « Selve amiche » extrait de La Prosperità di Elio Seiano. Marc’Antonio Ziani (1653-1715) : Ritornello con 2 trombe et « La fronte a quei superbi … All’armi, all’armi » extraits de Alba Soggiogata da’ Romani ; sinfonia extraote de Il duello d’amore e di vendetta. Antonio Giannettini (1648-1721) : « Fra l’horror d’ombre terribili » extrait de L’ingresso alla gioventù di Claudio Nerone. Giovanni Battista Bononcini (1670-1747) : ouverture et « Si, torno, o bella … Occhi belli, occhi possenti » extraits de Il ritorno di Giulio Cesare vincitore della Mauritania. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : « Fra l’ombre e gl’orrori » extrait de Aci, Galatea e Polifemo ; « Nella Britannia vinta … Cade il mondo » extrait de Agrippina ; « O voi del mio poter … Sorge infausta una procella » extrait de Orlando ; « Sibillar gli angui d’aletto » extrait de Rinaldo. Alessandro Scarlatti (1660-1725) : sinfonia extraite de La caduta de’ decemviri ; « Trassi dal nulla il tutto … Dell’alba e dell’aurora » extrait de La gloria di primavera. Antonio Vivaldi (1678-1741) : « Se il cor guerriero » extrait de Tito Manlio ; « Ah sleale, ah spergiura » extrait de Orlando. Avec Nahuel Di Pierro, basse. Ensemble Diderot, direction et violon : Johannes Pramsohler. 1 CD Audax Records. Enregistré du 5 au 9 février 2023 à la salle Colonne de Paris. Notice de présentation en anglais, allemand, français et japonais. Durée : 74:02

 

Dans un récital couvrant plus d'un siècle de musique baroque italienne, et l' déploient tous leurs sortilèges vocaux et instrumentaux. Un album qui met à l'honneur aussi bien la voix de basse que certains répertoires encore trop peu connus.

Les récitals de musique baroque pour voix de basse ne sont pas si fréquents, et les rares que l'on trouve sont généralement consacrés à un compositeur unique : nous avons eu dans un passé relativement récent Lorenzo Regazzo pour Vivaldi ; le même Regazzo, Ildebrando d'Arcangelo, Christopher Purves, Bryn Terfel ou David Thomas pour Haendel ; Alexandre Baldo pour Caldara et bien sûr nombre d'albums pour Bach. La spécificité de celui de l'Argentin est de nous emmener dans un voyage italien de plus d'un siècle, partant de L'Erminia sul Giordano de (1633) pour finir, chronologiquement, avec l'Orlando de Haendel (1733).

Si certains opéras figurant au programme sont bien connus, du Couronnement de Poppée de Monteverdi ou Ercole amante de Cavalli aux grands tubes haendéliens (Aci, Galatea e Polifemo, Agrippina, Rinaldo, Orlando) ou vivaldiens (Tito Manlio, Orlando également, dans sa version originale de 1714), l'intérêt de la programmation effectuée ici est justement de proposer de riches extraits de quelques maillons manquants dans le vaste parcours qui sépare les débuts de l'opéra de la première moitié du dix-septième siècle de l'âge d'or des premières décennies du dix-huitième. Le choix des plages de l'album suit d'ailleurs un ordre parfaitement chronologique qui permet d'observer les évolutions et transitions stylistiques ayant conduit peu à peu d'un discours essentiellement déclamé à la suprématie de l'aria ABA typique des ouvrages de Haendel et Vivaldi. La scène de folie de l'Orlando de Vivaldi n'en paraît que plus révolutionnaire dans son affranchissement par rapport à cette norme. Si les opéras de Monteverdi, Haendel et Vivaldi nous sont désormais bien connus, nous commençons aujourd'hui à devenir un peu plus familiers des ouvrages d', Giovanni Battista Bononcini ou , ceux de , Marc'Antonio Ziani et restant encore pour la plupart au rayon des curiosités. Que de découvertes à faire, autant pour l'originalité et la richesse des livrets que pour la qualité de la musique. À côté de certains airs bien connus de Haendel et de Monteverdi, le présent album compte ainsi le superbe air « Selve amiche » de La prosperità di Elio Seiano de Sartorio, au cours duquel l'empereur Tibère, las des intrigues de la Cour, envisage le repos que va lui fournir sa retraite à Capri. Autre joyau du CD, l'accompagnement ensorcelant de l'air de Jules César « Occhi belli » du Ritorno di Giulio Cesare de Bononcini, un des rares rôles d'amoureux confiés à la voix de basse. Cette dernière, on le sait, était à l'époque généralement cantonnée dans des rôles d'autorité, ce qui forçait les chanteurs à incarner des personnages de pères, de rois, d'empereurs ou de dieux. Rarement étaient-ils chargés d'interpréter des personnages d'amants, sauf à ce qu'il s'agisse d'amoureux éconduits et rejetés, comme cela est le cas pour l'empereur Claude dans Agrippina ou Polifemo dans la cantate italienne de Haendel. Certains grands chanteurs du passé comme Antonio Montagnana, Giuseppe Maria Boschi, Antonio Francesco Carli ou encore Antonio Manna, avaient pourtant réussi, par leur talent et par la magnificence de leur voix, à rivaliser avec les grands castrats prisés du public, à qui étaient la plupart du temps réservés les grands rôles d'amoureux.

Cet album a ainsi la chance de bénéficier du concours de la basse , qui sait si bien incarner de véritables personnages. Loin d'en faire un barbon pontifiant selon une interprétation qui a eu ses adeptes, il est digne, noble et émouvant en Sénèque, tout comme il sait être autoritaire dans le « All'armi, all'armi » de L'Alba Soggiogata da' Romani de Ziani. Il est également parfaitement crédible dans les rôles d'amoureux comme Claude ou Jules César, et il est particulièrement convaincant, dans ses excès et sa démesure, dans la scène de folie d'Orlando de Vivaldi. La mort d'Hercule dans l'Ercole amante de Cavalli est un autre grand moment de cet album, et le chanteur sait là aussi utiliser toutes les ressources du semi-parlando pour donner vie et émotion à son personnage. Sur le plan strictement vocal, Nahuel Di Pierro parvient à surmonter les difficultés techniques d'une écriture souvent tendue, à une époque où l'on ne distinguait pas véritablement les voix de basse de celles de baryton. Il ne fait ainsi qu'une bouchée des redoutables intervalles de l'air qui a donné son titre à cet album, le « Fra l'ombre et gl'orrori » de la cantate Aci, Galatea e Polifemo de Haendel. Il est tout aussi étourdissant dans les folles vocalises du « Sibillar gli angui d'Aletto » du Rinaldo de Haendel, réalisées la plus grande précision.

L', dirigé du violon par , est pour beaucoup dans la réussite de cet enregistrement, et l'on se délectera du dialogue des violons dans l'aria du Ritorno di Giulio Cesare de Bononcini, de la flûte d' ou de clavecin de . On saluera également l'alternance toujours pertinente entre pages chantées et passages instrumentaux, ainsi que la richesse du texte de présentation et la qualité de la présentation de l'album, particulièrement soignées pour un disque récital. Un album qu'on aura envie d'écouter en boucle, ce dont on aurait tort de se priver.

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Michelangelo Rossi (1601/02-1656) : Sinfonia per introdutione del prologo extraite de Erminia sul giordano. Claudio Monteverdi (1567-1643) : « Amici, è giunta l’hora » extrait de L’incoronazione di Poppea. Francesco Cavalli (1602-1676) : « Ma qual pungente arsura » extrait de Ercole amante. Antonio Sartorio (1630-1680) : « Selve amiche » extrait de La Prosperità di Elio Seiano. Marc’Antonio Ziani (1653-1715) : Ritornello con 2 trombe et « La fronte a quei superbi … All’armi, all’armi » extraits de Alba Soggiogata da’ Romani ; sinfonia extraote de Il duello d’amore e di vendetta. Antonio Giannettini (1648-1721) : « Fra l’horror d’ombre terribili » extrait de L’ingresso alla gioventù di Claudio Nerone. Giovanni Battista Bononcini (1670-1747) : ouverture et « Si, torno, o bella … Occhi belli, occhi possenti » extraits de Il ritorno di Giulio Cesare vincitore della Mauritania. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : « Fra l’ombre e gl’orrori » extrait de Aci, Galatea e Polifemo ; « Nella Britannia vinta … Cade il mondo » extrait de Agrippina ; « O voi del mio poter … Sorge infausta una procella » extrait de Orlando ; « Sibillar gli angui d’aletto » extrait de Rinaldo. Alessandro Scarlatti (1660-1725) : sinfonia extraite de La caduta de’ decemviri ; « Trassi dal nulla il tutto … Dell’alba e dell’aurora » extrait de La gloria di primavera. Antonio Vivaldi (1678-1741) : « Se il cor guerriero » extrait de Tito Manlio ; « Ah sleale, ah spergiura » extrait de Orlando. Avec Nahuel Di Pierro, basse. Ensemble Diderot, direction et violon : Johannes Pramsohler. 1 CD Audax Records. Enregistré du 5 au 9 février 2023 à la salle Colonne de Paris. Notice de présentation en anglais, allemand, français et japonais. Durée : 74:02

 
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