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À Berlin, Un songe d’Edward Clug qui laisse songeur

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Berlin. Deutsche Oper. 23-II-2025. Ein Sommernachtstraum (A Midsummer Night’s Dream). D’après l’œuvre de William Shakespeare. Concept, livret et chorégraphie : Edward Clug. Musique : Milko Lazar (commande). Mise en scène : Marko Japelj. Costumes : Leo Kulaš. Lumières : Tomaž Premzl. Vidéo : Rok Predin. Dramaturgie Edward Clug / Katja Wiegand. Avec : Leroy Mokgatle (Puck), Cohen Aitchison-Dugas Theseus/Oberon, Weronika Frodyma (Hippolyta/Titania, Danielle Muir (Helena), Matthew Knight (Démétrius), Riho Sakamoto (Hermia), Kalle Wigle (Lysander). Orchestre du Deutsche Oper Berlin, direction : Victorien Vanoosten

C'était certainement l'une des premières les plus attendues de la saison du Staatsballett de Berlin. Elle revenait au chorégraphe d'origine roumaine , actuel directeur du Ballet National de Maribor en Slovénie. Avec Le Songe d'une nuit d'été d'après William Shakespeare, la compagnie berlinoise confirme sa capacité à interpréter avec justesse un ballet narratif où fusionnent avec légèreté fantaisie et réalité.

compte une longue liste de collaborations avec les principales compagnies de ballet du monde entier ainsi que beaucoup de ballets narratifs à son répertoire, tels Faust ou Peer Gynt pour ne citer qu'eux. Nous nous souvenons surtout du Casse-Noisette créé à Stuttgart, un hommage à John Cranko au langage étonnement subtile et incisif. Dans son Songe d'une nuit d'été (d'ores et déjà adapté par les plus grands, de Neumeier à Ekman en passant par Balanchine et Ashton ou Maillot), Clug s'oriente vers une esthétique recherchée et pittoresque. Plusieurs intrigues s'alternent soulignant la force de la comédie, et l'œuvre repose sur bien plus que le seul mouvement. Clug a en effet préféré « miser plutôt sur la force de la suggestion, qui stimule l'imagination des spectateurs et les fait participer activement à cette expérience passionnante.

Les ensembles insolites, ponctués par cet imposant rocher mouvant ou cette petite porte située en fond de scène qui s'ouvre sur une forêt, captivent, comme si la nature offrait aux personnages l'opportunité d'explorer leurs désirs les plus profonds. Toute aussi fascinante : la première scène désopilante évoquant une plage parsemée de convives au mariage de Thésée et Hippolyta (charismatiques Cohen Aitchison-Dugas et Weronika Frodyma qui nous surprennent sur une planche de surf !) ou encore l'entrée de trente elfes/fées (rappelant les ombres de La Bayadère), affublés d'académiques végétaux jusqu'au bout de leurs doigts feuillus. Ces derniers iront même jusqu'à envahir l'espace en contournant la fosse d'orchestre pour s'aligner entre le chef et le public, rendant ainsi l'instant presque palpable. Danseurs et danseuses évolueront également tels des insectes, plus vrais que nature, rendant la condition humaine toute relative…


L'inspiration même de l'œuvre, aussi foisonnante que fantaisiste (signée Leo Kulaš aux costumes et aux décors), est indéniablement le point fort de cette production. La musique répétitive du Slovène , compositeur attitré de Clug, renforce ces images poignantes. À la fois intime et palpitante, la partition (sous la baguette de , Orchestre du Deutsche Oper) épouse avec brio le propos poético-surréaliste. Lazar voit entre la musique et la danse un dialogue perpétuel à travers lequel l'une et l'autre s'influencent mutuellement. Son processus de création doit, selon lui, « être clairsemé de moments inconfortables pour mieux permettre le développement de la créativité ».

Chorégraphiquement, les lignes sont claires et précises. Les corps, fluides et filiformes. La gestuelle qui domine est incisive, mécanique, tels ces quatre elfes d'Obéron aux oreilles pointues qui se montrent du doigt comme pour mieux s'apostropher. Les interactions dans les pas de deux, les trios et les quatuors sont vibrantes mais trop évidentes. Le langage est athlétique, spartiate. Il se heurte à l'idée que l'on se fait d'un monde onirique. Les pointes sont malheureusement peu chaussées. C'est dommage car les jambes auraient mérité d'être encore plus galbées. Nous l'aurons compris : l'accessibilité de l'intrigue reste tout l'enjeu. La chorégraphie, elle, n'a rien de renversant. De cet univers aseptisé, bien que débridé, un être sort du lot : le génie, Puck. Le rôle a été créé pour la danseuse et il lui va assurément comme un gant ! Ce génie asexué, à la technique invétérée, est céleste, aussi vigoureux que léger.

Un bémol : au second acte, Puck arrache du pistil des pieds rouges des êtres végétaux et l'asperge, tel un philtre d'amour, aux yeux de Titania qui tombera amoureuse de Nick Bottom (l'un des cinq savoureux artisans qui devaient donner une représentation d'une pièce de théâtre en l'honneur du mariage de Thésée), coiffé par Puck d'une tête d'âne. L'utilisation de la pantomime casse le rythme de l'action et n'apporte pas grand-chose au propos. Il aurait peut-être été judicieux de prendre quelques libertés avec le récit, même si le public (et les quelques enfants le composant) a eu l'air de beaucoup apprécier ces moments.

Crédits photographiques : © Yan Revazov

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