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À Lausanne, nouvelle production de Mitridate, rè di Ponto de Mozart

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Lausanne. Opéra. 23.II.2025. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Mitridate, rè di Ponto, opera seria en trois actes sur un livret de Vittorio Amadeo Cigna-Santi d’après la tragédie éponyme de Jean Racine. Mise en scène : Emmanuelle Bastet. Scénographie et costumes : Tim Northam. Lumières : François Thouret. Avec Paolo Fanale, Mitridate ; Lauranne Oliva, Aspasia ; Athanasia Zöhrer, Sifare ; Sonja Runje, Farnace ; Aitana Sanz, Ismene ; Remy Burnens, Marzio ; Nicolò Bladucci, Arbate. Orchestre de Chambre de Lausanne. Direction musicale : Andreas Spering.

Plus un strapontin de libre pour cette nouvelle production de l'Opéra de Lausanne du rare Mitridate, rè di Ponto, le premier opera seria de Mozart.


D'emblée il faut reconnaître à l'Opéra de Lausanne, avec le peu de temps que son directeur avait pour mettre sur pieds sa première saison, son courage de programmer une nouvelle production de Mitridate, rè di Ponto de Mozart, une œuvre exigeante, même pour des chanteurs de premier plan.

Aujourd'hui le divin Mozart fait toujours le plein, même avec Mitridate, rè di Ponto, qui n'est pas le plus populaire des opéras du maître de Salzbourg, loin s'en faut. L'intrigue tirée de la pièce éponyme de Jean Racine n'a pas l'esprit enjoué des Cosi fan tutte, Nozze di Figaro ou Don Giovanni. Quand Mozart compose Mitridate, il a quatorze ans. Pendant près de dix mois, accompagné de son père, Mozart s'imprègne de l'esprit, de la vie, des gens de l'Italie. En juillet 1770, il reçoit le livret que Vittorio Amadeo Cigna-Santi a tiré de la tragédie de Jean Racine. L'opéra sera donné au lendemain de Noël, comme le veut la tradition. Pendant tout l'été, Mozart s'épuise à l'écriture des récitatifs jusqu'à en avoir «les doigts qui lui font mal». Vers la fin de novembre, Léopold Mozart s'inquiète qu'aucun air pour le rôle-titre n'a encore été composé. Wolfgang attend la venue du castrat primo uomo afin de lui écrire le rôle à la mesure de son talent et de ses capacités.


Et là réside actuellement toute la difficulté de l'interprétation d'une telle œuvre. Deux cent cinquante ans plus tard, pour cette reprise adaptée (transcriptions obligent) aux tessitures des interprètes d'aujourd'hui, le plateau vocal s'avère inégal. A commencer par le rôle-titre. En effet, le ténor (Mitridate), manquant de l'aisance nécessaire face à l'extrême agilité vocale du rôle, crie, vitupère, s'agite. Souvent à la limite de son chant, s'empêtrant dans des vocalises approximatives, il force son instrument, le menant vers de fréquentes, même si légères, indélicatesses avec le diapason. A contrario, la soprano (Sifare) démontre une certaine aisance. Toutefois, la verdeur de sa jeune voix l'empêche de nuancer son interprétation. En particulier au deuxième acte, où, dans son duo avec Aspasia « Si viver non degg'io », elle peine à chanter piano. Pourtant, à la réplique, la soprano (Aspasia) brille par sa très bonne incarnation du rôle. Tantôt réservée dans son costume de fiancée promise au roi, tantôt altière dans celui de la femme humiliée, elle offre une palette de couleurs vocales et une agilité des vocalises faisant d'elle la meilleure protagoniste de ce plateau. Le déficit de projection dont souffre la contralto (Farnace) vient peut être de l'inadaptation de sa voix à la tessiture d'un rôle souvent donné à un contreténor. La soprano (Ismene) possède une voix d'un charme absolu même si elle manque sensiblement de puissance. De plus, l'extrême légèreté de son interprétation ne semble pas adaptée au style mozartien, ou du moins à celui qu'on attend dans cet opéra. Pour valeureux qu'ils soient, notons qu'autant le ténor Rémy Burines (Marzio) que le contreténor Nicolò Balducci (Arbate) doivent encore progresser dans leur technique vocale.


La direction d'orchestre de , quand bien même est-elle précise, manque des couleurs mozartiennes brillantes dont est capable l'. Rien de bien pétillant sort de la fosse. Certes l'avalanche des longs et fastidieux récitatifs et leur accompagnement au clavecin sont un obstacle à la continuité mélodique.

Dès lors, que dire de la mise en scène d' ? Avouons que la structure de l'intrigue, faite principalement de dialogues entre les protagonistes ne facilite pas le mouvement. Le choix scénique de la metteuse en scène favorise la vue de tableaux arrêtés plutôt que celle d'inutiles gestuelles. Ainsi, le plateau est-il souvent vide, se meublant par instants d'escaliers glissant des coulisses sur lesquels les protagonistes s'expriment. Un décor monochrome bleu, avec, descendant ou remontant des cintres, des rideaux de cordelettes bleues, elles aussi, habille tout l'opéra. Dans cet univers souvent sombre, les très beaux éclairages de (on sent l'heureuse influence de Robert Carsen avec lequel a collaboré) compensent l'austérité du propos dramatique. Si la direction d'acteur est correcte, la relative inexpérience de certains chanteurs, leur chant manquant parfois de couleur, on peine à ressentir les enjeux subtils entre les protagonistes.

Sans doute l'appréhension de la Première a-t-elle crispé les protagonistes – certains se sont en effet mieux révélés en deuxième partie du spectacle – et nul doute que les prochaines représentations les verront plus à l'aise.

Crédit photographique : © Carole Parodi

Modifié le 27/02/2025 à 10h20

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Lausanne. Opéra. 23.II.2025. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Mitridate, rè di Ponto, opera seria en trois actes sur un livret de Vittorio Amadeo Cigna-Santi d’après la tragédie éponyme de Jean Racine. Mise en scène : Emmanuelle Bastet. Scénographie et costumes : Tim Northam. Lumières : François Thouret. Avec Paolo Fanale, Mitridate ; Lauranne Oliva, Aspasia ; Athanasia Zöhrer, Sifare ; Sonja Runje, Farnace ; Aitana Sanz, Ismene ; Remy Burnens, Marzio ; Nicolò Bladucci, Arbate. Orchestre de Chambre de Lausanne. Direction musicale : Andreas Spering.

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1 commentaire sur “À Lausanne, nouvelle production de Mitridate, rè di Ponto de Mozart”

  • Sidrac Dominique dit :

    effectivement Lauranne Oliva se démarque de l ensemble. elle apparaît comme valeur montante malgré son très jeune âge. on l attend dans des rôles essentiels afin qu elle puisse assoire définitivement son talent.

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