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Soirée ciné-concert autour d’Ernst Lubitsch à la Cité de la Musique

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Paris. Philharmonie ; Cité de la Musique. 20-II-2025. Film d’Ernst Lubitsch : Quand j’étais mort (moyen métrage ; Allemagne, 1916) ; musique d’Oren Boneh (création) : Als ich tot war. La princesse aux huîtres (Allemagne, 1919) ; musique de Martin Matalon (2015) : Foxtrot Delirium. Dionysios Papanikolaou, électronique Ircam ; Jérémie Bourgogne , diffusion sonore Ircam. Ensemble intercontemporain, direction : Martin Matalon

Aussi prolifique dans la musique de films que de concert, dirige l' pour mettre en valeur La princesse aux huîtres de Lubitsch, ainsi qu'un court-métrage du même réalisateur, mis en musique par le fougueux .


Pour de nombreux compositeurs contemporains, écrire de la musique de films serait un aveu d'échec, ou au mieux de médiocrité, par rapport à leurs confrères uniquement joués en concert. Pourtant, est l'exemple même du compositeur aussi consistant lorsqu'il s'agit d'écrire une partition moderne pour la présenter en concert, que pour accompagner et mettre en valeur des scènes projetées à l'écran. En 1995, il s'était fait remarquer pour sa musique sur Metropolis de Fritz Lang, retouchée en 2020 pour grand orchestre et donnée à la Philharmonie de Paris en 2023, lors d'un ciné-concert dirigé par Kazushi Ōno. Aujourd'hui, c'est lui que l'on retrouve à la direction devant l' et un grand écran. Mais si Matalon est également l'auteur de la musique du film d'Ernst Lubitsch projeté pendant cette soirée, celle du court-métrage (38 minutes) revient à un jeune artiste israélo-américain.

Encore plein de fougue, ajoute aux images potaches de la comédie grossière mais efficace Quand j'étais mort (Als ich tot war ; 1916) une musique extrêmement vive, portée par huit musiciens et un accompagnement électronique souvent très dominant, et même parfois trop fortement relancé par les haut-parleurs. Gentiment amusant, le film muet montre les débuts du cinéaste allemand, dont le passage imminent à la couleur est annoncé par une alternance de pellicules de couleurs différentes. Ainsi, les images sont en noir et bleu pour les scènes calmes, en noir et rouge pour celles de colère de la belle-mère et en noir et jaune pour créer des ruptures, l'histoire se résumant à un mari mis dehors, qui revient costumé en majordome pour tromper son monde. Par sa partition pleine d'énergie créée en première mondiale lors de cette soirée, Boneh stimule toutes les scènes, au risque de faire souvent prédominer la musique sur les images. Toutefois on apprécie la personnalité de la composition, ainsi que l'imbrication entre les instruments en scène, ajustés à la seconde près aux images par la direction très précise de Matalon, et l'électronique gérée par et diffusée par – tous deux de l'.


En regard, l'écriture de Matalon pour le plus connu La Princesse aux huîtres (Die Austernprinzessin, 1919) paraît presque trop sage, bien qu'elle corresponde mieux à ce que l'on en attend, ne prenant pas le pas sur le film. Réalisé en noir et blanc seulement trois ans après le premier, et pourtant déjà bien plus inventif, l'ouvrage, encore quelque peu loufoque, traite lui aussi d'amour entre deux personnages, auxquels viennent s'ajouter un grand nombre de figurants, ainsi que des scènes d'extérieurs. Au passage, ces différences montrent la vitesse à laquelle le cinéma allemand a évolué à cette époque, dans une fascinante dynamique totalement interrompue moins de quinze ans plus tard par l'arrivée des nazis. Émigré aux États-Unis dès 1922, Lubitsch y réalisera là-bas tous ses chefs-d'œuvre (dont le célèbre Le Ciel peut attendre), mais son humour grinçant est déjà visible dans les deux films de ce soir. Plus calme et sans doute trop solliciteuse du xylophone, le Foxtrot Delirium pour douze instruments et électronique composé par Matalon soutient  l'action sans la dominer. Mais à part justement la scène de foxtrot du film, où un orchestre et un chef sont à l'écran comme sur scène, sous une musique magnifiquement modernisée par Matalon, le reste n'est véritablement fait que pour mettre en valeur une histoire somme toute assez faible d'un prince ruiné et d'une riche peste colérique.

S'il fallait choisir entre les deux, on privilégierait sans doute l'évidente maturité du travail de Matalon, même si nettement moins intéressant selon nous que sa partition pour Metropolis ou certaines de ses œuvres classiques. Mais puisque nous étions ici pour assister à un ciné-concert, nous avouerons être ressorti avant tout enchanté par la fougue pleine d'idées d', dont on aime à la fois l'intention de nous plonger immédiatement dans le film avec une forme de pastiche moderne de musique hollywoodienne, tout comme le moment de calme aux cellules rythmiques du violon proche du Tabula Rasa d'Arvö Part, et bien sûr la surexcitation de nombreux moments. Finalement, cette proposition procurait à cette séance une grande énergie avec un film dont l'intérêt reste historique.

Crédits photographiques : ©

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Paris. Philharmonie ; Cité de la Musique. 20-II-2025. Film d’Ernst Lubitsch : Quand j’étais mort (moyen métrage ; Allemagne, 1916) ; musique d’Oren Boneh (création) : Als ich tot war. La princesse aux huîtres (Allemagne, 1919) ; musique de Martin Matalon (2015) : Foxtrot Delirium. Dionysios Papanikolaou, électronique Ircam ; Jérémie Bourgogne , diffusion sonore Ircam. Ensemble intercontemporain, direction : Martin Matalon

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