Rosemary Standley et Dom La Nena : auprès de leur arbre
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Vesoul. Théâtre Edwige Feuillère. 20-II-2025. Birds on a wire. Œuvres variées. Scénographie : Étienne Saglio. Rosemary Standley, voix et harmonium. Dom La Nena, violoncelle et voix.
À la veille de la parution de son troisième disque, le duo Birds on a wire invite Étienne Saglio à enluminer son nouveau spectacle au Théâtre Edwige Feuillère de Vesoul.
C'est dans une clairière nocturne jonchée de feuilles mortes, au pied d'un arbre qui tutoie le ciel, que Rosemary Standley et Dom La Nena ont décidé d'installer leur instrumentarium : un harmonium indien pour l'une, un violoncelle pour l'autre, quelques percussions pour les deux. Quelles que soient les nombreuses collaborations qu'elle illumine de sa présence (le groupe Moriarty, le Helstrofer's Band, l'Ensemble Contraste…), quels que soient les morceaux qu'elle interprète (Purcell, Cohen ou Schubert), Rosemary Standley possède une voix dont l'on tombe immédiatement amoureux, de celles que l'on suivrait au bout du monde. On y entend tout à la fois la mélancolie fugace et prégnante d'un crachin en Mer d'Iroise, d'une brume dans le Connemara, et même d'une veillée dans l'Ouest américain… Son alter ego Dom La Nena n'est pas en reste question hypnose, dont le violoncelle, capable de ne jamais lasser sur tout un disque (Leon), est sollicité dans toutes ses potentialités, des arpèges façon Suites de Bach à des frappés sur le bois de l'instrument, sans faire fi de la technique du looper (boucleur), qui permet de jouer par-dessus une sorte de basse obstinée enregistrée en direct. Le tout, capté par une très belle prise de son, fait que l'intérêt ne faiblit jamais.
Les talents spécifiques des deux artistes sont tels qu'ils font avaler la couleuvre du pot-pourri lequel, même rebaptisé crossover, peut rebuter les tenants de la composition originale. Birds on a wire surfe ainsi à l'envi d'une époque comme d'une langue ou d'un artiste à l'autre. Au menu : des traditionnels (La Rondinella), des pièces volatiles aux allures de comptines (Canta canta), un sega, mais aussi Stefano Landi (Augellin), Bobby Lapointe, Jacques Brel, Barbara (quelle émotion de réentendre, même sans sa géniale orchestration symphonique, le coup de poing Perlimpinpin), Nazaré Pereira (une bien entêtante Marelle), Paul Simon (50 ways to leave your lover), les Cure (Love Cats), et Bronski Beat (le merveilleux Smalltown boy). Rosemary Standley pousse parfois son ambitus aux limites de l'opéra, ce qui sied assez bien à celle qui fut récemment une étonnante Carmen dans un spectacle où François Gremaud lui avait fait chanter avec brio tous les rôles du chef-d'œuvre de Bizet.
Dès que la musique parle c'est l'envoûtement assuré. En revanche, lorsque les deux artistes parlent, le dialogue peine à s'installer avec tout le naturel souhaité : censé introduire chaque titre, le jeu de questions-réponses récurrent et frontal (les lumières s'allument à chaque fois dans la salle) auquel elles se livrent s'avère plutôt laborieux, le public ne parvenant qu'assez tardivement à se désinhiber, et à désinhiber jusqu'à la chanteuse elle-même qui, au terme de cette tentative assez inhabituelle pour elle jusque là, finit par partir dans de francs éclats de rire lorsqu'elle apprend après avoir invité son public à partir au Brésil, qu'à quelques kilomètres de Vesoul se trouve une bourgade nommée Rio(z) : qu'en eût-il été si elle avait su que quelques lieues plus loin s'en trouvaient deux autres nommées Venise et Cayenne !
On attendait beaucoup du « dresseur de fantômes » auto-proclamé Étienne Saglio, magicien de la scène, dont Les Limbes, sa fascinante création de 2014 présentée récemment in loco, est encore dans toutes les mémoires. Sa singularité, qui ouvre magistralement la soirée avec la vision, dans l'obscurité profonde, d'une traînée lunaire (chevelure, écharpe, spectre ?) s'avérera, sur la durée (une heure et demie), bien parcimonieuse. Le haut pouvoir émerveillant d'un feu de bois, de quelques nuées, d'une chute de feuilles mortes retardataires, d'un archet et d'un fil de micro friands d'apesanteur ne peuvent dissiper tout à fait la demi-teinte d'un spectacle qui avait a priori tout pour enchanter.
Crédit photographique : © Jeremiah
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Vesoul. Théâtre Edwige Feuillère. 20-II-2025. Birds on a wire. Œuvres variées. Scénographie : Étienne Saglio. Rosemary Standley, voix et harmonium. Dom La Nena, violoncelle et voix.