Que ce soit avec son enregistrement d'Andromaque en 2010, ou encore celui de Richard Cœur de Lion dix ans plus tard (deux Clefs d'or ResMusica !), le duo Grétry-Niquet ne cesse de nous séduire.
Nous avions vu ce spectacle sur scène à Tours en 2022, mais ce sont les deux représentations à l'Opéra Royal de Versailles que retrace ce DVD. Et nous avons toujours des « étoiles dans les yeux » face à la mise en scène de Marshall Pynkoski, même si pour le personnage de Tamorin, nous aurions apprécié une direction d'acteurs moins suggestive, l'humour pouvant plus aisément s'allier à l'élégance. En dépit de ce détail, cette luxueuse production où tous les moyens ont été donnés (qualité des costumes, des décors et chorégraphies précises), est décidément une résurrection lyrique très réussie.
Dans la fosse, c'est débordant d'énergie que Le Concert Spirituel entraîne l'auditeur, avec un sens de la danse notable tout au long de la représentation, même si cette gouaille joue parfois en la défaveur du plateau, le chœur des esclaves de la première scène, « Après un long voyage » étant quelque peu écrasé par un orchestre un peu trop affirmé. Mais la direction d'Hervé Niquet sait varier les couleurs, et donc les plaisirs, pour un spectacle piquant et virevoltant selon un rythme soutenu.
La distribution vocale fait preuve d'une belle homogénéité dans un chant exigeant, que chacun mène avec un naturel déconcertant, particulièrement du côté des seconds rôles avec le tourbillonnant Benoît Descamps sous les traits d'Osmin, l'agile Lili Aymonino dans le rôle d'une esclave française, et Samuel Guibal (Furville) dont on apprécie la beauté des graves. Les deux autres esclaves ne sont pas en reste, entre une Chantal Santon Jeffery (esclave italienne) au jeu affirmé et une Lucie Edel (esclave allemande) au timbre vibrant.
Robert Gleadow marque les esprits par son Pacha très charismatique, même si ces graves s'approchent parfois de leurs limites, alors que son accent marqué dans la langue de Molière est finalement en phase avec son personnage. A ses côtés, Enguerrand de Hys se délecte avec gourmandise des bouffonneries de son Tamorin : même si sa voix pourrait prendre plus d'espace, son jeu théâtral comble largement cette petite défaillance. Jean-Gabriel Saint Martin, quant à lui, passe en un tour de main du comique marchand d'esclave (Husca), au dramatique père en quête de son fils disparu (Florestan).
Les deux voix féminines dans les premiers rôles brillent de beaucoup d'éclat, à commencer par Marie Perbost qui affirme une Almaïde solide par un timbre exaltant et un second degré amusant. Hélène Guilmette est d'une belle élégance sous les traits de Zélime, forte d'aigus lumineux.
Plus qu'un effet de mode à l'aube de la Révolution, La Caravane du Caire de Grétry est, grâce au Concert Spirituel, un spectacle enthousiasmant pour les spectateurs de notre époque. Grâce à cette captation, il est ainsi possible de rire et s'émerveiller en regardant, également sur écran, le faste de cette production grandiose.