Deux quatuors aux Bouffes du Nord ; deux pianos au Bal Blomet
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Paris. Bouffes du Nord. 10-II-2025. Grażyna Bacewicz (1909-1969) : Quatuor pour quatre violons. Arnold Schönberg (1874-1951) : La Nuit transfigurée (sextuor). Felix Mendelssohn (1809-1847) : Octuor à cordes en ut majeur op.20. Quatuor Van Kuijk ; Quatuor Magenta.
Paris. Bal Blomet. 12-II-2025. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Suite pour deux pianos, op. 6 ; Concertino pour deux pianos op. 94. George Gershwin (1898-1937) : The Man I Love (paraphrase de Gregory Stones). Alexander Tsfasman (1906-1971) : Fantasy of George Gershwin ; Jazz Suite. Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle, pianos
À deux jours d'écart, la musique en duo était à l'honneur à Paris, avec aux Bouffes du Nord l'association des Quatuors Van Kuijk et Magenta, puis au Bal Blomet des pianistes Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle.
La Belle Saison continu à proposer ses programmes à Paris et dans une vingtaine de salles en France, et si nous avions manqué le concert de quatuors à Sceaux en septembre, nous avons pu en profiter en février au Théâtre des Bouffes du Nord.
Introduit par une vraie rareté en France, le concert met à l'honneur le Quatuor pour quatre violons de la compositrice polonaise Grażyna Bacewicz. Elle-même professeur de violon, elle compose avant tout pour cet instrument dont ce quatuor en trois mouvements, sans l'alto et le violoncelle donc. Dans ce contexte, l'œuvre permet de mettre en avant tous les violons des Quatuor Van Kuijk (quatre hommes) et du Quatuor Magenta (quatre jeune femmes), alliés pour l'occasion dans un programme où ils seront ensuite six, puis huit musiciens sur scène. D'une dizaine de minutes et enjouée, la partition met en valeur le premier violon du quatuor masculin, et à l'opposé le second violon du quatuor féminin, dont la tessiture et les timbres graves feraient presque penser parfois à un alto, voire à certaines parties de violoncelle d'un quatuor à cordes classique.
Juste après, le sextuor La Nuit Transfigurée est présenté comme toutes les œuvres du programme par le second violon Sylvain Favre-Bulle. Mais si celui-ci n'oublie pas de remercier également le label Alpha et la fondation Anima Music pour le somptueux Guadagnini prêté à Nicolas Van Kuijk, il aurait pu citer le poète à l'origine de la pièce de Schönberg, Richard Dehmel, éludé, comme si son importance dans la conception du chef-d'œuvre était marginale. En tous les cas, si cette partie met en évidence la cohésion entre les six musiciens des deux quatuors à jouer ensemble, elle manque toutefois profondément du mystère que d'autres formations parviennent à en faire ressortir.
À l'inverse, l'Octuor de Mendelssohn démontre l'évidence avec laquelle les Van Kuijk abordent ce compositeur, dont ils ont gravé une superbe intégrale des quatuors (Alpha). Œuvre la plus interprétée pour cette nomenclature rare, l'Octuor prend sous les huit cordes présentes un volume conséquent dès les premières mesures, puis se développe dans un romantisme jamais désuet et une complicité sans faille de la part des instrumentistes. En bis, un extrait de l'Arlésienne transcrit pour huit cordes est offert comme un hommage à Michel Plasson, ami des Van Kuijk, âgé aujourd'hui de 91 ans.
Alors que le roman historique de Raphaël Confiant Le Bal Blomet vient de ressortir tout récemment en format poche chez Folio, c'est dans cette salle maintenant pleine d'histoire qu'apparait le Duo Ancelle et Berlinskaïa.
Ici, le programme est construit pour ne pas effaroucher un public plus habitué au jazz, qu'Arthur Ancelle rassure au passage en prévenant que malgré l'anniversaire Pierre Boulez cette année, ils ne joueront pas ses œuvres ce soir et privilégie de rendre hommage à Dimitri Chostakovitch, disparu il y a 50 ans. Sur deux pianos à queue très différents, généreusement prêtés pour le concert, les deux artistes débutent par une rareté eux aussi : la Suite pour deux piano, opus 6. Œuvre de jeunesse, celle-ci affirme déjà bien la technique du génie russe, sans évidemment trouver la puissance entendue juste après dans le Concertino, opus 94.
Avec cette seconde pièce, les deux pianistes ont la très bonne idée d'inverser leurs place. Le piano Kawai souffrait du toucher droit de Ludmila Berlinskaïa, tout particulièrement dans un registre aigu souvent détimbré, voire acide. Sur Steinway & Sons, la pianiste retrouve moins de dureté, tout en se démarquant bien dans sa partie, qui semble encore plus concertante que d'habitude, par rapport à l'autre plus accompagnatrice, comme si ce Concertino avait été écrit comme un concerto pour piano et piano, le second transposable à un orchestre.
Beaucoup plus adaptée au public des lieux, dans une salle comble dont il faut rappeler l'excellente qualité acoustique, la suite du programme mêle la figure du jazzman russe Alexander Tsfasman à celle de son compatriote américain George Gershwin. Et pour cela, le duo a la très bonne idée de commencer par The Man I love du second (transcrit pour deux pianos par Gregory Stones), avant d'interpréter la Rapsodie sur le même thème du premier, dont on prend plaisir à redécouvrir juste après la véritable personnalité avec la Jazz Suite. Deux bis du même compositeur russe achèvent de convaincre le public, et de confirmer la complicité du duo créé en 2011, bien que le jeu des deux pianistes rappelle régulièrement leurs écoles et leurs origines, avec un style plus souple pour Arthur Ancelle.
Crédits photographiques : © ResMusica
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Paris. Bouffes du Nord. 10-II-2025. Grażyna Bacewicz (1909-1969) : Quatuor pour quatre violons. Arnold Schönberg (1874-1951) : La Nuit transfigurée (sextuor). Felix Mendelssohn (1809-1847) : Octuor à cordes en ut majeur op.20. Quatuor Van Kuijk ; Quatuor Magenta.
Paris. Bal Blomet. 12-II-2025. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Suite pour deux pianos, op. 6 ; Concertino pour deux pianos op. 94. George Gershwin (1898-1937) : The Man I Love (paraphrase de Gregory Stones). Alexander Tsfasman (1906-1971) : Fantasy of George Gershwin ; Jazz Suite. Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle, pianos