Exploration du mot Empire avec la Compagnie La Zampa

Fruit d'une coproduction entre pas moins de quatre scènes nationales et un ensemble de seize structures et institutions, Empire, la nouvelle création de Magali Milian et Romuald Luydlin, était au Parvis de Tarbes pour sa troisième représentation à l'issue de deux ans de travail.

Comme chaque année, La Scène nationale du Sud-Aquitain, Le Parvis Scène nationale Tarbes Pyrénées, la Scène Nationale d'ALBI-Tarn et L'empreinte, Scène nationale de Brive-Tulle, se sont associées pour produire et diffuser deux projets de création originaires de Nouvelle-Aquitaine et d'Occitanie. Basée en Ariège, la Compagnie La Zampa de Magali Milian et Romuald Luydlin a été choisie pour bénéficier de ce dispositif dans le cadre de la création de son nouveau spectacle : Empire.

Prenant ce mot comme point de départ, le duo de chorégraphes s'est questionné sur le sens linguistique du terme, ainsi que sur ce qu'il convoque du point de vue émotionnel et imaginaire. Structuration, expansion, verticalité, puissance et chute sont donc autant de notions complémentaires venues influencer leur écriture chorégraphique.

Ils ont ainsi choisi de délimiter leur espace scénique à l'aide d'un emboîtement de vingt cinq tatamis de judo vert pâle disposés au sol de façon asymétrique. C'est dans cette zone que les danseurs entrent un à un pour commencer leur partition dansée, dans un continuum de changements de niveaux, allant de rencontre en rencontre avec un ou plusieurs partenaires pour construire des structures corporelles au moyen de portés, de contrepoids ou de simples contacts. Le choix de ce type de dalles de mousse a l'intérêt de souligner un sérieux travail de recherche sur le repoussé du sol et la verticalité traversant les corps de façon individuelle ou en groupe. Le centre du corps mène les déplacements, et les quatre membres, ainsi que la tête, sont à son service comme autant de solutions de transferts d'appuis (extrémités, genoux, dos, avant-bras, etc.).

Sous un éclairage ambiant plutôt discret et neutre, les six danseurs et danseuses évoluent sans discontinuer avec une énergie plutôt monocorde, accompagnés en live par Marc Sens à la guitare électrique. Collaborateur de longue date de la compagnie, le musicien déroule de son côté une partition expérimentale complexe, le tout agrémenté d'interventions vocales ponctuelles des danseurs (chant, onomatopées, texte) et d'une série d'éléments sonores créés par Valérie Leroux. L'instrument est frotté, percuté, retourné pour obtenir toutes sortes de dissonances et conférer à l'ensemble une atmosphère presque menaçante, à mi-chemin entre bande originale de film et musique concrète.

La costumière Violette Angé mérite notamment d'être saluée pour sa sélection minutieuse et aboutie de tissus aux teintes parfaitement accordées (blanc, gris, bleus, verts, rouges) et aux textures variées, réfléchissant la lumière de manière unique (coton, lycra, cuir, voilage, paillettes, franges, etc.). Vêtement par vêtement, les danseurs changent de tenue à multiples reprises, un travail de conception et de confection à la main considérable pour autant d'interprètes.

Au total, seize semaines d'écriture ont été nécessaires à la fabrication d'Empire, avec notamment en amont la participation d'un maître de judo et d'une spécialiste de la contredanse anglaise. Un projet très ambitieux et plein de bonne volonté, mais dont on peut déplorer un résultat malheureusement quelque peu linéaire, mécanique et désincarné, peut-être en raison de son refus de prendre parti vis-à-vis du mot qu'il explore. Ainsi, la pièce souffre d'un manque d'engagement émotionnel au regard des affects historiques et politiques lourds que pourrait pourtant convoquer un mot aussi évocateur que celui d'« empire ».

Crédit photographique : © Alain Scherer