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Conclusion de la 35ᵉ édition du Festival Présences

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Paris. Maison de la Radio et de la Musique. Festival Présences.

8-II-2025, 22h30. Studio 104. Œuvres de Jean-Louis Agobet, Katarina Gryvul, Matías Rosales, Eric Maestri. Marie-Bernadette Charrier, saxophoniste invitée, HANATSUmiroir

9-II-2025, 16h. Studio 104. Œuvres de Rocío Cano Valiño, Jacob Mühlrad, Aurélien Dumont, Olga Neuwirth. Ensemble Linea, direction : Jean-Philippe Wurtz

9-II-2025, 18h. Auditorium. Œuvres de Fausto Romitelli, Tristan Murail, Eric Montalbetti, Marius Malanetchi, Olga Neuwirth. Beatrice Rana, piano ; David Guerrier, trompette ; Orchestre Philharmonique de Radio France, direction : Matthias Pintscher

Deux phalanges strasbourgeoises, puis l' dirigé par ont refermé ce 2025 consacré à Olga Neuwirth, absente malheureusement de cette édition.

L'organous conçu par Léo Maurel est un orgue tentaculaire piloté par l'ordinateur, spatialisé et transportable. Il est installé en fond de scène du Studio 104 où évoluent en soirée les musiciens d', un ensemble à géométrie variable né en 2010 de la rencontre de la flûtiste Ayako Okubo et du percussionniste Olivier Maurel.

Au programme, quatre œuvres mixtes, commande de Radio France, sont données en première mondiale. De , recolor in red, pour saxophone alto et électronique nous séduit. Le saxophone de s'inscrit sur la partie de sons fixés et laisse apprécier la beauté du son de l'interprète évoluant dans un temps long et un contexte sonore en continuelle métamorphose. Les trois autres pièces, plus expérimentales, ont été composées pour organous et électronique. De l'Ukrainienne , Alienated est une œuvre sombre et foisonnante, entretenant la discontinuité et l'ambiguïté des sources. Infra-tempus du Chilien invite sur scène la flûtiste Ayako Okubo et le percussionniste Olivier Maurel. L'écriture instrumentale sophistiquée va dans le sens des recherches sur les divisions infimes du temps donnant à l'Organous une fonction essentielle dans la conception de la pièce. Lingering with strange Strangers (« S'attarder avec d'étranges inconnus ») du compositeur italien Éric Maestri convoque sur scène sept musiciens. La pièce fusionne les deux sources instrumentale et électronique en un timbre complexe entretenu par le jeu des interprètes ; à flux continu et forts décibels, l'écriture laisse parfois transparaître la strate sonore de l'organous.

Sous la direction du chef et fondateur de l', Jean-Philippe Wurtz (directeur de Voix Nouvelles à Royaumont) le concert de la phalange strasbourgeoise débute dans l'incandescence et la frénésie du timbre avec Fanguyo (Enchevêtrements) de la compositrice argentine Rocio Cano Valiño. Elle met sur le devant de la scène le contrebasson soliste d'Antoine Pecqueur dont la performance hors norme sidère : énergétique, combattif, luttant contre l'inertie du gros instrument dont il tire des sons fabuleux.

La pièce bien conduite, dont la tension ne se relâche pas un instant, prend une dimension narrative et embarque l'auditeur sur des chemins jalonnés de signaux qui tiennent l'écoute en alerte.

Après Heliopause, une œuvre d'une grande séduction sonore du Suédois , Antoine Pecqueur revient sur scène avec un contrebasson baroque, immense tuyau de bois qui concurrence la flûte contrebasse dans la pièce d' Twin Conapts.

Le cor d'harmonie joue également du cor naturel, le théorbe alterne avec la guitare électrique dans les mains de Caroline Delume tandis que la claveciniste abandonne parfois les cordes pincées pour le clavier du synthétiseur : ainsi s'objective le concept d'écart cher au compositeur. L'écoute bascule d'un monde à l'autre, de la citation baroque à peine effleurée aux instances bruiteuses que Dumont affectionne : autant d'« objets » aux dimensions plastiques qu'il manipule et modifie à son gré avec une maîtrise confondante de l'écriture : virtuose et fascinant !

Dans Un posto nell'acqua – Melville-Skizze (2009), Olga Neuwirth inclut dans l'ensemble instrumental une guitare électrique, un échantillonneur et un piano électrique (Fender Rhodes). C'est sans doute l'une des plus belles pièces entendues dans cette édition. Elle appartient au triptyque inspiré par la vie et l'œuvre d'Hermann Melville, et plus précisément ici par son Moby Dick : l'espace sonore est largement ouvert, accueillant résonances, scintillements, cloches lointaines, rumeurs et mouvements de l'océan dans un cheminement narratif émaillé de trouvailles sonores, d'allusions furtives et autres morphologies qui servent la dramaturgie. Jean-Philippe Wurtz et les musiciens de l' confèrent à la pièce une dimension quasi symphonique, immersive et fantastique, un flux continu qui s'interrompt pourtant brutalement sur un claquement d'archet sans appel de la contrebasse.

Espaces et mondes multiples

Emmené par , l' est sur le plateau de l'Auditorium pour le concert de clôture, coiffé in fine par la trompette haute de David Guerrier. S'affichent au programme cinq compositeurs et autant d'œuvres (dont trois créations mondiales) tissant entre elles des liens historiques et musicaux.

Fauché à 41 ans par la maladie, a été, comme Olga Neuwirth, l'élève de Tristan Murail à l'Ircam. Spazio-articulazione qui débute le concert est une pièce de jeunesse restée inédite, sans doute créée lors de l'Académie musicale Chigiana de Sienne où Romitelli travaillait avec Franco Donatoni. Encore loin des recherches qu'il mena plus tard sur les pouvoirs du timbre, l'œuvre ne manque ni de séduction ni de stratégies pour penser et écrire l'espace.

Très attendue, la commande passée à Tristan Murail fait l'événement de la soirée. À l'invitation du Conservatoire de Shanghai, Murail écrit Le Livre des Merveilles – concerto pour Guzheng, qui met sur le devant de la scène l'instrument traditionnel chinois (cithare) et l'interprète Ming Wang aux côtés de l'ensemble à cordes du « Philhar ». Le titre, en référence à Marco Polo, donne des perspectives d'écoute et invite au voyage. Il est fabuleux, immersif et voluptueux à la faveur d'une partie électronique Ircam très soignée et magnifiquement projetée ( aux manettes) dans l'espace de l'Auditorium. Murail l'élabore à partir du jeu de cloches chinoises en bronze de Wuhan (dont le Conservatoire de Shanghai possède une copie) dont il analyse et traite le spectre en fin connaisseur. Si l'écriture du Guzheng est sans prise de risque de sa part, celle des cordes est d'une belle efficacité, sorte d'interface entre le mouvement spatial de l'électronique et les sonorités de l'instrument chinois. , dont la souplesse et l'intelligence du geste opèrent, est le maître d'œuvre de cette alchimie sonore à laquelle on adhère avec une émotion grandissante.

L'espace est également convoqué dans le Concertino pour piano et orchestre – omaggio a Luciano Berio, d' qui conçoit son écriture orchestrale comme la caisse de résonance amplifiée du piano. Le compositeur a inversé la trajectoire habituelle du concerto, débutant et finissant sa pièce par des mouvements lents. Les arpèges ascendants sous le jeu articulé de font miroiter les échelles modales qui texturent l'écriture du compositeur. Si l'élan vers des aigus lumineux nous évoque Scriabine, la toccatina nerveuse et ses notes répétées au centre de la pièce semblent un clin d'œil à Boulez, laissant apprécier la brillance du jeu de . L'orchestre se fait l'écho du piano, agrandissant d'autant l'espace de résonance dans une dernière partie, Adaggietto, plus sombre, dont le mouvement se fige progressivement, le compositeur optant pour une fin aussi délicate que suspensive.

Le jeune Marius Malanetchi, compositeur moldave-roumain, a étudié avec Olga Neuwirth à Vienne même si ses Couleurs du vent nous orientent davantage vers l'école spectrale et la transparence des textures : sensualité et fluidité, couleurs et raffinement du timbre ; des qualités que le geste enveloppant et chaleureux du chef mettent éminemment en avant.

Avec ses cinq Aria auxquels Neuwirth donne des titres, … Miramondo multiplo…, que Pierre Boulez créa en 2006, illustre une fois encore le propos de la compositrice selon lequel « la fragmentation est indispensable si on ne veut pas tomber dans la représentation. » La pièce est festive, débordante d'idées et de verve pour les exploiter. Le concerto nous rappelle l'attachement de la compositrice à un instrument qu'elle a pratiqué ; elle voulait devenir le Miles Davis féminin ! Dans … Miramondo multiplo… les citations abondent, de Haendel à Mahler, au fil d'une trajectoire dont l'objectif premier est de mettre le soliste en vedette, qui dialogue parfois avec ses confrères de l'orchestre. Aussi performant sur la petite trompette que sur la grande, David Guerrier se joue des difficultés (les quarts de ton écrits par la compositrice) et referme en beauté cette 35ᵉ édition de Présences au côté de Matthias Pintscher et du « Philharmonique » en grande forme.

Crédits photographiques : © Radio France

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8-II-2025, 22h30. Studio 104. Œuvres de Jean-Louis Agobet, Katarina Gryvul, Matías Rosales, Eric Maestri. Marie-Bernadette Charrier, saxophoniste invitée, HANATSUmiroir

9-II-2025, 16h. Studio 104. Œuvres de Rocío Cano Valiño, Jacob Mühlrad, Aurélien Dumont, Olga Neuwirth. Ensemble Linea, direction : Jean-Philippe Wurtz

9-II-2025, 18h. Auditorium. Œuvres de Fausto Romitelli, Tristan Murail, Eric Montalbetti, Marius Malanetchi, Olga Neuwirth. Beatrice Rana, piano ; David Guerrier, trompette ; Orchestre Philharmonique de Radio France, direction : Matthias Pintscher

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