Grisélidis de Massenet, une rareté au disque

C'est dans le cadre de son cycle Massenet mené entre 2022 et 2023 que le Palazzetto Bru Zane a sorti des cartons Grisélidis.

Jusqu'à présent, un seul enregistrement de l'Orchestre Symphonique Franz Liszt de Budapest sous la direction de Patrick Fournillier, datant de 1992 et publié sous le label Koch Schwan, avait permis d'immortaliser l'œuvre au disque.

L'originalité de ce « conte lyrique » ne vient pas forcément de ses différentes composantes jouant sur tous les effets de mode propre à l'époque de sa création (1901). Elles sont finalement assez convenues prises chacune séparément : le sentimentalisme caractéristique du compositeur dans la fidélité indéfectible de l'héroïne que l'on met sournoisement à l'épreuve ; la comédie sans finesse – sexiste et misogyne – incarnée par un diable et sa femme plus bouffons qu'effrayants ; la fervente piété religieuse récompensée par un miracle quasi-surnaturel pour le retour de l'enfant perdu; la Provence en toile de fond avec des sonorités médiévales largement attendues par le public du début du XX^e siècle… La singularité de cet ouvrage lyrique se manifeste surtout par le mélange de ces éléments pour un contraste en demi-caractère, à la française, très – trop – marqué, avec de brusques effets très appuyés, à un point tel que l'on se trouve obligé d'ajuster le volume de notre écoute, trop faible ou trop fort selon les moments.

Plusieurs pages musicales sont pourtant à retenir, à commencer par l'agréable prologue et l'arioso qui le suit où Julian Dran (le berger Alain) sait parfaitement mener les envolées lyriques de « Ouvrez-vous sur mon front, portes du paradis ! ». Il est aussi un soutien solide auprès du rôle-titre dans le duo « Rappelle-toi les jours », où l'élan passionné des deux personnages se développe selon un crescendo vibrant. Vannina Santoni (Grisélidis), malgré une belle sensibilité, déploie quant à elle un lamento peu inspiré. De leur côté, Tassis Christoyannis (Le Diable) et Antoinette Dennefeld (sa femme Fiamina) pâtissent d'une bouffonnerie insipide au deuxième acte, plus théâtrale que musicale, affaiblie par une compréhension difficile du texte.

La variété des couleurs de l'orchestration de Massenet flamboie avec l'Orchestre national Montpellier Occitanie, la direction de Jean-Marie Zeitouni respectant à la lettre le langage du compositeur dans un opéra qui semble toutefois bien trop daté pour avoir la prétention de revenir sur les planches de nos théâtres lyriques. Peu présent dans cet ouvrage, le Chœur de l'Opéra de Montpellier s'attèle honorablement à la petite tâche qui lui est incombée.

Dans le livret de présentation dont la qualité est désormais habituelle dans cette collection, on apprécie particulièrement les iconographies d'époque, témoignant des forces humaines et des moyens donnés à la création de ce spectacle : affiche, décors, scènes jouées, chanteurs dans leurs costumes (étonnant Lucien Fugère dans son costume de diable), et croquis d'apparats féminins.