Michel Kelemenis et ses Magnifiques à Saint-Germain-en-Laye

Avec Magnifiques, pièce pour neuf interprètes en tournée au Théâtre Alexandre Dumas de Saint-Germain-en-Laye, Michel Kelemenis rend hommage aux danseurs et aux danseuses pour inventer un hymne à la vie.

Appeler un ballet Magnifiques peut sembler risqué, car il n'y a pas de droit à l'erreur. Le pari semble néanmoins réussi lorsqu'on entend les spectateurs à la fin du spectacle s'exclamer : « C'était magnifique ! ». Qu'y-a-t-il de si magnifique dans cette pièce de Michel Kelemenis, interprétée par neuf danseurs ?

Bien sûr, il y a le Magnificat de Johann Sebastian Bach. Un peu facile. Alors il fallait le « magnifier », surtout pour le remettre dans l'air du temps, et lui redonner un air d'éternité, qu'il a sans doute déjà. Les danseurs ne vont donc pas seulement s'exprimer sur les Timet et Alleluia mais également sur des tempos vibratoires et jubilatoires d'Angelos Liaros-Copola dans un ballet résolument moderne et joyeux, dans sa gestuelle comme dans sa composition chorégraphique et musicale.

Au début fut la lumière bleue et sombre de la scène. Dans un jeu d'immersion subtile des spectateurs, la scène et les danseurs s'animent alors que la salle est encore allumée et qu'ils s'installent encore. Rite de passage entre le réel et l'imaginaire de la chorégraphie. En miroir, les danseurs se passent la main. La roue de la vie se met à tourner. Elle ne s'arrêtera pas pendant une heure dix.

Un boléro collectif laisse la place à un trio, puis un solo qui se transforme en duo. Les danseurs ne sont jamais seuls très longtemps et bientôt le groupe s'élance dans une diagonale mélangeant gestes affutés voire endiablés, et arrêts sur image pour profiter de l'instant. Les danseurs lient leurs corps les uns aux autres, formant une chaine qui s'étire sur le front de la scène. Cette chaîne humaine de la vie revient comme un fil rouge, entre automates animés par la force de la ronde des planètes et l'énergie créatrice de l'humanité. Le noir des costumes des premiers instants aura entre temps laissé la place à des tonalités colorées aux accents vintage.

Le tourbillon de Magnifiques nous emporte et nous fige dans des arrêts sur image poétiques ou irréels en une série de tableaux qui nous font voyager, des sculptures du Château de Versailles à l'allée des mille bouddhas des temples asiatiques.

Cette pièce est avant tout un hymne à la vie qui s'enchaîne. D'une modernité incontestable, les gestes aux accents précis sur les envolées lyriques des chanteurs du Magnificat deviennent fluides sur les rythmes des corps enlacés en chaîne parfaite. La mort ne dure que peu de temps et se meut en un festival de corps affectueusement enlacés dans les étreintes. Des corps bientôt emportés par les délires colorées de la vie où toute la diversité désordonnée se révèle, entre colère et espoir, et où les clins d'œil finaux des danseurs nous confortent dans l'idée qu'il vaut mieux rire de la vie comme d'une grande farce !

Photos : © Didier Philispart, Agnès Mellon