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Décès de la soprano Edith Mathis

 

La soprano suisse est décédée le 9 février, deux jours avant son 87e anniversaire., à Salzbourg, auprès de son second mari, le collectionneur d'art Heinz Slunecko : une cantatrice à la voix ductile et au timbre à la fois charnu et lumineux dont  l'irrésistible élan musical convenait tant aux incarnations scéniques les plus habitées qu'aux liederabende les plus intimes.

Principalement formée à Lucerne, sa ville natale, puis à Zürich où elle débute sur scène en 1956, à 19 ans à peine, comme deuxième des trois knaben de la Flûte enchantée de Mozart, elle est engagée sur audition l'année suivant à l'Opéra de Cologne où elle reste six saisons, tout en étant déjà invitée une toute première fois à Salzbourg (la Finta semplice toujours de Mozart), dès 1960. Si elle est dès lors assidue du festival autrichien, elle fait aussi de nombreuses et très remarquées apparitions à l'Opéra de Hambourg ou au Festival de Glynebourne. Elle devient, en 1963, membre de la  troupe du Deutsche Oper de Berlin. où elle est repérée par Karl Böhm. Le grand chef autrichien fera souvent appel à elle, toujours dans le répertoire mozartien, pour quelques mémorables incarnations à la scène et plus encore au disque (captées par la DGG) : la Susanna des Nozze di Figaro, Ilia dans Idomeneo, Servilia dans la Clemenza di Tito, Zerlina dans Don Giovanni. Elle sera aussi Pamina pour Karajan tant à la scène (Salzbourg, 1974) qu'au disque (Berlin, 1980) ou Despina – à la scène – dans Cosi fan tutte à Covent Garden sous la direction de son premier mari Bernhard Klee (1974). Si elle se produit régulièrement au Metropolitan de New York dans ses rôles fétiches, l'Opéra de Paris ne semble l'avoir accueillie que pour six (!) représentations en Pamina (1977), avant un récital d'airs de concerts au Châtelet une dizaine d'années plus tard. Elle est aussi une Marzelline (Fidelio) de haut vol, et une straussienne hors pair (Sophie du Rosenkavalier ou la Zdenka d'Arabella) : elle chante tous ces différents rôles très souvent aux opéras de Vienne (de 1960 à 1986) et de Munich.

Au fil du temps, et des mutations vocales ou psychologiques qu'il suppose, sa distribution  évolue parfois au sein d'un même opéra : elle sera Ännchen (au disque dans le mythique enregistrement de Carlos Kleiber) avant d'être Agathe dans le Freischütz de Weber, Cherubino, Susanna puis enfin la Comtesse des Nozze, ou encore passera du rôle de Sophie à celui de la Maréchale dans le Rosenkavalier.

montre dans le domaine opératique une grande curiosité : elle apporte son concours à plusieurs créations contemporaines (Von Einem, Henze, Menotti…), participe  à l'enregistrement d'œuvres lyriques plus rares, telle Der Wildschütz de Lortzing ou prend une part très active aux enregistrements sous la férule d'Antal Dorati à la résurrection discographique des opéras méconnus de Joseph Haydn captés par Philips dans les années 1970. Elle aborde même en 1973 à l'Opéra de Munich la Mélisande debussyste, où on l'attendait beaucoup moins et dont reste un beau témoignage radiophonique disponible sur diverses plates-formes.

Mais elle est aussi une liedersängerin recherchée : comment oublier son anthologie Schumann (en compagnie du piano parfait de Christoph Eschenbach, culminant avec une version imparable des Frauenliebe und -leben), son intégrale des Volkslieder de Brahms en compagnie de Peter Schreier et Karl Engel, ses quelques incursions chez Hugo Wolf, ou encore son récital Mozart accompagnée par son premier époux ? Sans oublier ses fréquentes incursions dans le répertoire liturgique, (depuis les cantates ou la passion selon Saint-Matthieu de J.S  Bach sous la direction de Karl Richter au Lazarus de Schubert en passant par le Requiem de Mozart) ou symphonique (en particulier Mahler, avec les finals des deuxième (avec Kubelik ou Tennstedt) et quatrième (sous les baguettes de Bernstein ou Karajan) symphonies…ou même encore la Marguerite de la légende dramatique la Damnation de Faust de Berlioz dans l'enregistrement de Seiji Ozawa .

C'est aussi une pédagoge recherchée enseignant le lied et l'oratorio à l'Université de musique et des arts du spectacle de Vienne (1992-2006), outre de nombreuses masterclasses de par le monde. Si elle se retire de la scène au début du nouveau millénaire, elle fait encore quelques furtives apparitions comme récitante.

Il nous reste à entretenir la mémoire d'une voix assez unique et d'une personnalité très attachante, car pour reprendre les termes choisis de l'Opéra de Munich (Bayerische Staatsoper) dans son obituaire : » C'était une personne charmante mais discrète, aussi accessible qu'intouchable, aussi sincère et noble que sa voix. C'est ainsi que nous voulons nous souvenir d'elle, reconnaissants pour le travail d'une merveilleuse et fine artiste que nous nous remémorons  avec révérence. » (BH)

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