Schoenberg par Les Métamorphoses : réduction et augmentation

À l'affiche de ce CD monographique, les trois œuvres d'Arnold Schoenberg – compositeur dont on fêtait, en 2024 le 150ᵉ anniversaire de la naissance – sont des arrangements qu'interprète le jeune orchestre Les Métamorphoses sous la direction de son fondateur, le regretté Amaury du Closel.

Schönberg a lui-même beaucoup arrangé, notamment pour faire entendre ses propres œuvres dans le cadre de « la Société d'exécutions musicales privées » qu'il avait fondée et dont les ressources, tant financières qu'instrumentales, étaient limitées. Ainsi réalise-t-il en 1920 une version pour orchestre de chambre de ses Cinq pièces pour orchestre op.16 datant de 1909. Il y intègre un piano et un harmonium, instrument que possédait la « Société » et que Schoenberg a plusieurs fois utilisé. Les pièces sont brèves (entre deux et cinq minutes à peine) et concentrées, dans la mouvance expressionniste. La réduction orchestrale met en transparence la structure et l'articulation des motifs et des timbres. Le sentiment d'urgence ressort dans Pressentiments (1) tout comme les ostinatos dans le 2 (Passé) qu'aime installer Schoenberg durant cette période de recherche d'une nouvelle cohérence du langage musical. Le miroitement des couleurs perd un peu de son chatoiement dans la célèbre Farben (3) mais l'orchestre de chambre en préserve le mystère. Si Recitativo obligé (5) peine à trouver son élan, le profil escarpé et les sonorités acérées dans Péripétie (4) font merveille.

L'arrangement pour cinq instruments (formation « Pierrot lunaire ») du Livre des jardins suspendus op.15 (1907-1909) du britannique Howard Burrell date de 2007. Les 15 Lieder pour mezzo-soprano et piano sur des poèmes de Stefan George sont écrits dans une période de fièvre créatrice par Schoenberg qui est en passe de s'affranchir des lois tonales. De sa voix longue et bien projetée au service de l'expression, la mezzo Maria Schellenberg sert au mieux le texte allemand. Dans l'arrangement de Burrell, le piano reste conducteur, la couleur instrumentale intervenant surtout dans les préludes et postludes dont l'écriture ciselée est d'autant mieux mise en valeur.

La Symphonie de chambre op.9 (1906) en un seul mouvement est un pur chef-d'œuvre qui résiste superbement à la réduction drastique d'Anton Webern réalisée en 1922-23 : on passe de quinze à cinq instruments: flûte, clarinette, violon, violoncelle et piano, dans la formation « Pierrot lunaire » une fois encore. Le piano (Thomas Tacquet) y est central, sorte de ciment harmonique de l'œuvre dûment architecturée. Violoncelle et violon en charge du thème principal sont offensifs à souhait, sans renier le souffle lyrique qui le traverse. Le scherzo est impeccablement mené par les cinq instruments en synergie tandis que la chaîne des quartes ascendantes (transition) est confiée au violoncelle puis au piano, instant privilégié dont les musiciens communiquent la part de magie sonore. Tension et urgence innervent la dernière partie d'une belle complexité polyphonique ; chacun des instruments mis en valeur – clarinette et flûte à l'égal des cordes – participe à la Klangfarbenmelodie (mélodie de timbre) que Schoenberg dessine à longs traits, avec une virtuosité d'écriture sidérante, assumée avec brio par les cinq musiciens.

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