Concerts, La Scène, Musique d'ensemble

Strana armonia, hier et aujourd’hui avec les Cris de Paris

Plus de détails

Paris. Auditorium du Musée du Louvre. 7-II-2025. Œuvres de Giovanni Maria Trabaci (1575-1647), Sigismondo d’India (ca 1582-1629), Hettore Della Marra (ca 1570-1634), Michelangelo Rossi (ca 1601-1656), Scipione Lacorcia (1585/1595- ap. 1620), Carlo Gesualdo (1566-1613), Cipriano de Rore (1515/16-1565), Francesca Verunelli (née en 1979), Nicola Vicentino (1511-1575/76), Pomponio Nenna (1556-1608), Luzzasco Luzzaschi (1545-1607). Les cris de Paris, direction : Geoffroy Jourdain

En prolongement de l'exposition Figures du fou qui vient de se finir au Louvre, et leur chef sont en concert à l'Auditorium Michel Laclotte, le jour même de la sortie de leur disque Strana Armonia chez Harmonia Mundi.

Le madrigal italien du début du XVIIe siècle nous semble peut-être aujourd'hui régi par les lois d'une « étrange harmonie », mais ce qui choque nos oreilles (hésitation entre les modes, dissonances…) ne devait pas être ressenti de la sorte par les contemporains si l'on songe que depuis des siècles la musique européenne se caractérisait par la primauté du contrepoint et que les théories de l'harmonie différaient grandement des nôtres. C'est en substance ce qu'explique dans un programme de salle d'une qualité remarquable qui fait honneur à l'esprit d'exactitude et d'érudition qui règne en ces lieux. Le programme mêle ainsi des œuvres de polyphonistes de la Renaissance (, ) et de compositeurs de la fin du XVIe siècle et de la première moitié du XVIIe, certains connus (, ) et d'autres beaucoup moins. Les deux premières pièces donnent ainsi le ton : une Toccata de transcrite pour un quatuor de violes, et un madrigal à cinq voix, Strana armonia d'amore de Sigismondo d'India, où d'emblée on est séduit par la justesse du ton et le souci de porter le texte. La thématique de la folie n'est bien sûr pas présente dans le sens contemporain du terme ; il faut la comprendre ici comme l'abdication de la raison face aux sentiments exacerbés, amour, joie incommensurable et désespoir le plus profond. En ce sens, les madrigalistes de la fin du XVIe siècle inaugurent une manière plus expressive que leurs prédécesseurs, qui trouvera à s'épanouir ensuite dans l'opéra.

tire profit d'un effectif riche (dix-huit chanteurs, quatre violistes et deux harpistes) pour varier à l'envi les combinaisons, d'autant que les chanteurs sont toujours distribués à un par partie. Certaines pièces sont chantées a cappella. Dans d'autres, les voix sont transcrites pour les instruments sauf celle d'un chanteur soliste, comme le ténor Constantîn Goubet dans S'io non miro, non moro de , ou dans Quivi Sospiri de . Dans la plupart cependant toutes les voix sont chantées et un accompagnement, en général discret, est ajouté. Chaque chanteur s'épanouit et s'individualise, trouve son timbre et sa diction, tout en faisant corps avec l'ensemble : à l'évidence, le travail de Geoffroy Jourdain avec apparaît comme remarquable. Résultat : l'heure et demie passe dans une ambiance très attentive, sans aucun applaudissement intermédiaire, et sans jamais aucune impression de fadeur ou de routine.

Les pièces de la fin de la Renaissance et du début du baroque suffisent pour faire d'excellents concerts, comme l'ont par exemple montré les Arts Florissants avec leurs intégrales Gesualdo et Monteverdi. Mais vont plus loin ce soir en intercalant les mouvements de VicentinoOo de l'Italienne , œuvre qu'ils ont créée en septembre 2024 à Ambronay. La compositrice signe une brillante utilisation de la microtonalité en reprenant la division de l'octave en 31 intervalles théorisée par au XVIe siècle. « Il me semble que les compositeurs de la Renaissance font preuve d'une sensibilité à la couleur harmonique et d'une finesse dans l'exactitude de leur exécution qui sont très proches des recherches harmoniques de la musique contemporaine » explique dans sa note d'intention. La finesse est bien ce qui caractérise l'interprétation des six chanteurs et des deux harpistes, dans cette recherche très précise sur le son où les voyelles et les syllabes de textes de Vicentino sont utilisées comme matériau de base pour, au gré de leur inflexion, transformation, juxtaposition, jeu sur les timbres (celles des voix comme celles des harpes en scordatura) produire une musique fascinante.

Crédit photographique ; Geoffroy Jourdain © Christophe Raynaud de Lage

Lire aussi :

La musique des seuils au Festival de musique de chambre contemporaine de Witten

(Visited 121 times, 1 visits today)

Plus de détails

Paris. Auditorium du Musée du Louvre. 7-II-2025. Œuvres de Giovanni Maria Trabaci (1575-1647), Sigismondo d’India (ca 1582-1629), Hettore Della Marra (ca 1570-1634), Michelangelo Rossi (ca 1601-1656), Scipione Lacorcia (1585/1595- ap. 1620), Carlo Gesualdo (1566-1613), Cipriano de Rore (1515/16-1565), Francesca Verunelli (née en 1979), Nicola Vicentino (1511-1575/76), Pomponio Nenna (1556-1608), Luzzasco Luzzaschi (1545-1607). Les cris de Paris, direction : Geoffroy Jourdain

Mots-clefs de cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.