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Stuttgart. Opernhaus. 2-II-2025. Sergueï Prokofiev (1891-1953) : Le Joueur, opéra en quatre actes d’après Dostoïevski. Mise en scène : Axel Ranisch ; décors : Saskia Wunsch ; costumes : Claudia Irro, Bettina Werner. Avec : Goran Jurić (Général), Aušrinė Stundytė (Polina), Daniel Brenna (Alexei), Véronique Gens (Babulenka), Elmar Gilbertsson (Marquis), Shigeo Ishino (Mr. Astley), Stine Marie Fischer (Blanche), Robin Neck (Nilski), Peter Lobert (Baron Wurmerhelm)… Staatsorchester Stuttgart, Staatsopernchor Stuttgart, direction : Nicholas Carter
Dans cette production du Joueur de Sergueï Prokofiev, Axel Ranisch propose une mise en scène divertissante mais peu profonde, avec une belle distribution autour d'Aušrinė Stundytė… et surtout de Véronique Gens.
Après un passage qui a laissé des avis franchement partagés, scéniquement comme musicalement, au festival de Salzbourg l'été dernier, Le Joueur de Prokofiev bénéficie d'une nouvelle chance à l'Opéra de Stuttgart. Axel Ranisch ne parvient à vrai dire pas beaucoup plus que Peter Sellars à trouver une solution scénique pour cet opéra, mais du moins sa capacité d'empathie pour les personnages, alliée à une conception d'ensemble moins boursouflée, rend l'œuvre beaucoup plus lisible. On ne comprend pas bien quel bénéfice il attend de l'univers extra-terrestre, mi-Dune, mi-Indiana Jones, dans lequel il situe les trois premiers actes ; le quatrième acte, avec une roulette gigantesque occupant presque toute la scène, ramène à une figuration plus évidente, mais sans parvenir à donner la clef de l'histoire. Il reste tout de même une direction d'acteurs pleine de vie, des costumes inattendus et marquants, et beaucoup d'humour sans condescendance.
Axel Ranisch est un tendre, qui veut toujours trouver de la sympathie pour les personnages ; il dit lui-même avoir eu du mal avec la galerie d'individus perturbés que présente Le Joueur, et il n'y arrive apparemment toujours pas pour certains d'entre eux : il est visible que ce ne sont pas les protagonistes qui l'intéressent dans cet opéra. Toutefois, la vieille parente dont le général attend l'héritage lui est au contraire très sympathique, et aux spectateurs par voie de conséquence : très inattendue dans ce rôle, Véronique Gens emporte tout sur son passage en Babulenka. La voix n'a rien perdu de sa fraîcheur, elle semble parfaitement à l'aise dans le flux naturel de la conversation, et elle sait parfaitement sortir de son élégance naturelle quand c'est nécessaire. Son piteux parent, le Général, en la personne de Goran Jurić, est presque aussi marquant : il ne lui manquerait pas grand-chose pour être le grand homme qu'il aimerait être, mais le ridicule transparaît sans cesse sous le bronze de sa voix. Tout aussi irrésistibles, voix marquantes et humour ravageur, on ne peut que citer Stine Marie Fischer (Blanche) et Elmar Gilbertsson (le Marquis), sans oublier Shigeo Ishino, d'une classe absolue en ambigu Mr. Astley, aucun des divers petits rôles ne jouant par ailleurs les utilités.
Moins favorisé par la mise en scène, le personnage d'Alexei est aussi moins percutant vocalement en la personne de Daniel Brenna, certes vaillant mais un peu raide là où on aimerait au contraire un peu de fougue juvénile. Après les débuts d'Asmik Grigorian à Salzbourg, c'est cette fois au tour d'une autre chanteuse de l'extrême, Aušrinė Stundytė, d'affronter le rôle décidément ingrat de Polina : sa performance vocale est beaucoup plus présente que celle de Grigorian, mais elle non plus ne trouve pas la clef du personnage, dont les scènes successives ne parviennent à pas à donner une interprétation convaincante.
Cette distribution de haut niveau permet néanmoins à l'œuvre de se faire entendre : qui plus est, la direction de Nicholas Carter est beaucoup moins lénifiante que celle de Timur Zangiev à Salzbourg ; si elle tend parfois à monter un peu trop le son pour pouvoir conserver toute la transparence requise, elle a au moins une véritable force théâtrale et laisse les chanteurs exprimer tout ce qu'ils peuvent de leur personnage. Mais on attendra encore un Joueur à même d'éclairer toutes les facettes de cette œuvre finalement guère moins pleine de mystères que L'Ange de feu qui a eu les faveurs des maisons d'opéra il n'y a pas si longtemps.
Crédits photographiques : © Martin Sigmund
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Stuttgart. Opernhaus. 2-II-2025. Sergueï Prokofiev (1891-1953) : Le Joueur, opéra en quatre actes d’après Dostoïevski. Mise en scène : Axel Ranisch ; décors : Saskia Wunsch ; costumes : Claudia Irro, Bettina Werner. Avec : Goran Jurić (Général), Aušrinė Stundytė (Polina), Daniel Brenna (Alexei), Véronique Gens (Babulenka), Elmar Gilbertsson (Marquis), Shigeo Ishino (Mr. Astley), Stine Marie Fischer (Blanche), Robin Neck (Nilski), Peter Lobert (Baron Wurmerhelm)… Staatsorchester Stuttgart, Staatsopernchor Stuttgart, direction : Nicholas Carter