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Coup d’envoi du festival Présences dédié à Olga Neuwirth

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Paris ; Maison de la Radio et de la Musique. Auditorium. 4-II-2025. Christophe Bertrand (1981-2010) : Mana, pour orchestre ; Menghao Xie (né en 1997) : Fading pour piano préparé et orchestre (CM) ; Imsu Choi (née en 1991) : IIIN, pour cinq instruments (CM) ; Olga Neuwirth (né en 1968) : Orlando’s World, pour mezzo-soprano et orchestre. Ninon Hannecart-Ségal, piano ; Virpi Räisänen, mezzo-soprano ; Ensemble Next ; Orchestre du CNSMDP, direction : Pascal Rophé

Après le New-Yorkais Steve Reich, c'est l'Autrichienne , éminente figure de la création d'aujourd'hui, qui est à l'honneur de la 35ᵉ édition du de Radio France. L'ouverture était placée sous le signe de la jeunesse, avec l' et l'Orchestre des étudiants du Conservatoire national supérieur de musique de Paris (CNSM) conduit par .

n'avait que 23 ans lorsqu'il écrit Mana, une pièce d'orchestre créée en 2005 par Pierre Boulez. Bertrand conçoit son dispositif instrumental en deux blocs symétriques par rapport au chef, favorisant les effets stéréophoniques d'un ensemble à l'autre : lignes horizontales qui se conjuguent aux trajectoires verticales parcourant tout le registre. La tension s'exerce en continu dans cette courte pièce fulgurante, traversée par une frénésie rythmique et une virtuosité insolente qui n'avait pas laissé indifférent le compositeur de Répons! Cette musique de l'énergie, baignée d'une lumière éblouissante sous la ferme conduite du maestro Rophé, ne pouvait mieux débuter la soirée.

Jeune compositeur chinois de 27 ans, a étudié à Vienne avec . Sa nouvelle pièce, Fading, commande de Radio France, file la même thématique de la lumière, une lumière déclinant (Fading) dans ce concerto pour « piano préparé » qui met en vedette la soliste . La pianiste aux pieds nus est habillée ce soir (longue robe à la découpe originale) par une couturière chinoise !

Fading est une pièce « entr'ouverte », dans le sens où elle laisse des choix d'interprétation à la soliste qui a d'ailleurs elle-même écrit la cadence du concerto. L'œuvre est sensée suivre la trajectoire d'un faisceau lumineux, le compositeur ayant travaillé pour ce faire avec un physicien. On est happé par la puissance des impacts sonores sous le geste rageur de la pianiste et la réponse non moins musclée de l'orchestre. L'écriture du piano en clusters, stimulée par la pulsation des peaux, ne fait entendre aucune préparation préalable de l'instrument, celle-ci s'opérant en direct, avec les accessoires aux mains de l'interprète : bottleneck et objet de verre passés sur les cordes et, plus spectaculaire encore, batte de gong avec laquelle elle frappe sans ménagement la caisse de l'instrument. Si l'écoute est trop souvent déroutée au sein d'une écriture très/trop hétérogène, on retient cependant ce beau moment de déclin lumineux à la fin de l'œuvre ; les aplats de couleurs émanant de l'orchestre sont émaillés de fins éclats lumineux générés par les doigts de fée de la soliste dans les cordes aiguës du piano.

Ils ne sont que cinq sur le plateau de l'auditorium, membres de l' du Conservatoire de Paris, pour donner à entendre, en début de seconde partie, IIIN, un bijou joliment ciselé de la compositrice et ondiste coréenne . Elle a sélectionné ses couleurs, flûte, clarinette, violoncelle accordéon et guitare électrique (à laquelle elle réserve une superbe plage soliste) pour modeler le timbre dans la fusion des sources sonores et travailler dans le spectre, entre énergie et souplesse du geste, éclats et fragilité de la matière. Subtil et poétique !

Le concert se termine en beauté avec la tête d'affiche du Festival, . Les étudiants du CNSM ont réinvesti le plateau pour donner en création française Orlando's World pour mezzo-soprano et orchestre. Il s'agit d'une suite d'une trentaine de minutes constituée à partir de son opéra Orlando créé en 2019 à Vienne (et disponible en DVD chez C Major Entertainment). L'ouvrage lyrique de grande envergure, sous-titré « biographie musicale en 19 scènes » est composé d'après le roman fleuve de Virginia Woolf paru en 1928 abordant la question du genre et celle de la transgression, des thématiques qui animent depuis toujours la compositrice. Ainsi, après un sommeil de sept jours, Orlando, homme depuis le début du récit, se réveille femme.

Le texte nous manque cruellement mais le moment où la mezzo finlandaise enfile sur scène son ample jupe noire est explicite. Son registre grave du début (qui aurait mérité une légère amplification dans l'espace de l'auditorium) s'éclaircit d'autant et passe mieux au-dessus de l'orchestre toujours très foisonnant chez Neuwirth. Les cuivres vont par trois ; on note la présence d'une guitare électrique, d'un saxophone à côté de la clarinette basse. Le piano est préparé et un clavecin, accordé plus bas que l'orchestre pour accuser sa différence, trône au centre du plateau. Neuwirth aime jouer avec la citation, celle de William Bird notamment au tout début de la suite : ces collages qui participent de son matériau, emprunts souvent elliptiques et non dénués d'humour, nourrissent une orchestration bigarrée autant que virtuose et servent la dramaturgie. L'écriture y est flamboyante, inventive et souvent solistique, avec des émergences de trompettes lumineuses, sourdines wha-wha, distorsion et autres trouvailles sonores. La voix se coule dans ce maelström plein de vitalité, doublée plus d'une fois par les instruments de l'orchestre. vocalise, ornemente sur la langue anglaise dont la musicalité ressort davantage que le sens. La mezzo a toutes les qualités, de projection, d'articulation, de présence scénique, pour faire vivre le propos dont on aurait aimé, texte à l'appui, profiter davantage. Quant à l'orchestre des jeunes, il est épatant, superbement préparé par dont le mélange de souplesse et de grande précision dans la direction fait ce soir des merveilles.

Crédit photographique : Olga Neuwirth ; et (répétitions) ; (répétitions) © – RF

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