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Pierre Boulez aujourd’hui. Laurent Bayle. Editions Odile Jacob. 139 pages. 18,90 €. Janvier 2025
Nommé commissaire de « l'année Boulez » lancée par le ministère de la Culture pour le centenaire du musicien, Laurent Bayle, ex directeur de la Philharmonie de Paris, consacre un ouvrage au compositeur de Répons, se souvenant de l'homme et de l'ami dont le compagnonnage de plus de trente ans a scellé des liens indéfectibles.
La personnalité aux multiples facettes dont nous parle Laurent Bayle – Boulez compositeur et penseur, créateur d'institutions, chef d'orchestre et transmetteur – rend compte de cette double attitude d'intellectuel et de musicien que le génie de Montbrison a toujours entretenue dans une vision à long terme. Urgence (de forger son style) voire violence (de ses partis pris) sont les mots de l'auteur, aux prémices d'une trajectoire fulgurante, de l'éclosion du premier chef d'œuvre, Le Marteau sans maître en 1954 – « un séisme historique » – à la fondation d'institutions. « Composer c'est agir, c'est être politique », déclarait Boulez qui s'est donné pour tâche « de revitaliser la fonction sociale de son art » : une question qui alimente les réflexions de l'auteur dans le dernier chapitre, « Notre temps ».
Témoignage d'admiration et d'amitié partagée, émaillé de souvenirs plus personnels et touchants, le livre n'est ni biographique ni musicologique. L'auteur procède par thématiques : la littérature en première ligne (Boulez est un lecteur assidu) qui impulse sa pensée compositionnelle et nourrit sa réflexion sur l'alliance du son et du verbe, de la « trilogie René Char » à Pli selon Pli. « Prédateur autoproclamé », renchérit Laurent Bayle, Boulez va chercher ces mêmes correspondances dans les autres arts : la peinture notamment, celle qui reste « au bord de l'abstraction » (Cézanne, Kandinsky, Klee, Bacon, Vieira da Silva, etc.) et permet de « penser la marge ». Composition et direction participent du même processus et donc du même chapitre (« Work in progress »), les deux activités s'enrichissant l'une l'autre, le chef autodidacte affinant son geste en fonction du vécu du créateur. Bayle revient sur les débuts du jeune Boulez accueilli en 1946 par Jean-Louis Barrault dans la fosse du Théâtre Marigny où le musicien s'attache à l'homme de théâtre et peut observer « le travail au plateau » ; avant sa rencontre avec Patrice Chéreau qui amorce une collaboration féconde et durable que consacre le mythique « Ring » du centenaire (1976-1980) à Bayreuth. Si l'auteur ose un parallèle entre Wagner et le compositeur de Répons – une même « soif éperdue de totalité », dit-il – il met en perspective l'activité du fondateur de l'Ircam avec celle du natif de Buffalo, William Christie, à qui il consacre un chapitre entier. Tous deux sont investis, selon lui, d'une mission exigeant « le diktat de la recherche ». Mais à l'historicité Boulez préfèrera toujours l'infidélité (« La déformation m'intéresse »), s'orientant, entre mémoire et création (chapitre V), vers « une autre mémoire, celle qui fait découvrir et nous pousse dans des méandres plus aventureux » : ainsi s'exprime et se perpétue « l'énigme boulézienne ».
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Pierre Boulez aujourd’hui. Laurent Bayle. Editions Odile Jacob. 139 pages. 18,90 €. Janvier 2025