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Metz. Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz. 4-II-2025. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1971) : Così fan tutte, ossia la scuola degli amanti. Opera buffa en deux actes sur un livret de Lorenzo Da Ponte. Mise en scène : Stefano Vizioli. Décors et costumes : Milo Manara. Coordination des décors : Benito Leonori. Coordination des costumes : Roberta Fratini. Lumières : Nevio Cavina. Avec Ekaterina Bakanova, soprano (Fiordiligi) ; Lilly Jørstad, mezzo-soprano (Dorabella) ; Francesca Cucuzza, mezzo-soprano (Despina) ; Antonio Mandrillo, ténor (Ferrando) ; Jiří Rajniš, baryton (Guglielmo) ; Matteo Loi, baryton (Don Alfonso). Chœur de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz (cheffe de chœur : Nathalie Marmeuse). Orchestre national de Metz Grand Est, direction : David Reiland
Intelligente et efficace mise en scène au sein d'une scénographie du bédéiste Milo Manara. Un plateau vocal sans reproche au service d'un des opéras les plus fascinants du répertoire.
Le spectacle proposé à l'Opéra-Théâtre de l'Eurométropole de Metz est une coproduction avec la Fondazione Teatro di Pisa, la Fondazione Pergolesi Spontini di Jesi, la Fondazione Teatro Comunale Luciano Pavarotti di Modena et le Teatro Sociale di Rovigo. On commencera par saluer la volonté partagée de mutualiser les moyens techniques et artistiques, en ces temps de restrictions budgétaires et de sobriété écologique. En Italie, l'événement avait surtout été marqué par les débuts à l'opéra du célèbre dessinateur ou bédéiste Milo Manara, connu mondialement pour ses bandes dessinées érotiques dont la série Le Déclic, ainsi que pour sa collaboration avec Hugo Pratt ou Federico Fellini. Nous ne cacherons pas que nous ne sommes pas « fans » de cette esthétique kitsch d'un autre âge, sortie tout droit des années 70 et inspirée des idées qu'on se faisait à l'époque de la liberté sexuelle et des rapports entre les hommes et les femmes. Rien de véritablement choquant dans ces images, cela dit, les références littéraires, picturales ou mythologiques enrichissant les liens et les croisements thématiques avec l'intrigue de Da Ponte, dont les allusions libertines et grivoises, parfois coupées à la scène, ressortent dans cette production avec plus d'acuité que d'habitude.
Si l'on se passerait volontiers des dessins des nombreux personnages – nymphes et cupidons, satyres ou dieux olympiens, figures mythologiques… – qui encombrent et écrasent le plateau, on apprécie en revanche l'élégance du trait graphique et l'harmonie des couleurs pour les éléments naturels, comme la mer et les nuages, lesquels créent une belle unité visuelle avec les costumes et les quelques éléments de décors éparpillés sur le plateau. Aux tons pastel des costumes des quatre amants, d'une élégance raffinée, s'oppose le noir et le blanc affichés par Don Alfonso et Despina, les deux manipulateurs de l'intrigue. Un grand bravo également pour la conception globale de – nous citons Manara tel que ses propos ont été reproduits dans le programme de salle – la « scénographie ancienne et bidimensionnelle [entièrement peinte] composée de coulisses, de toiles de fond, de portes escamotables et de petites ingéniosités de machinerie ». Dans cette scénographie « ludique, colorée et vaguement licencieuse », le metteur en scène Stefano Vizioli inscrit une direction d'acteurs précise et tirée au cordeau, destinée à faire ressortir « le jeu raffiné de l'ambiguïté et des géométries apparentes », et surtout « la fragilité de l'être humain, les lois du désir, les risques de l'inconscience émotionnelle ». Aucun temps mort dans ce spectacle visiblement déjà bien rôdé en Italie, fidèle à la tradition et sans idée nouvelle majeure, mais étonnamment fluide scéniquement et parfaitement accordé à la lecture musicale venue de la fosse.
Vocalement, le plateau est de la plus grande homogénéité, même s'il est quelque peu dominé par les manipulateurs de l'intrigue, tous deux dotés d'un organe puissant et richement timbré. Tout à fait craquante scéniquement, Francesca Cucuzza est une Despina enjouée à laquelle la chanteuse prête un charmant mezzo-soprano sans doute destiné à des emplois plus lourds dans les années à venir. Excellent comédien, très à l'aise dans les récitatifs, le baryton Matteo Loi est un Don Alfonso plus jeune que d'habitude, un intellectuel parfaitement conscient des affres traversées par les quatre amants de l'opéra. Du rôle de Fiordiligi, la soprano Ekaterina Bakanova possède les sauts et les graves, dont elle use avec brio et musicalité. Sa science du pianissimo fait d'elle une interprète particulièrement accomplie, à qui la mezzo Lilly Jørstad, au timbre joliment ambré, donne une réplique à la fois en échos et en contrastes. Chez les messieurs, le ténor Antonio Mandrillo peine en début de soirée avec la tessiture de Ferrando, mais le deuxième acte le voit en pleine possession de ses moyens. Il est en tout cas idéalement assorti au baryton sain et solide de Jiří Rajniš, Guglielmo sûr de lui et dont l'effondrement final est particulièrement mis en avant dans la mise en scène. Installé dans les loges d'avant-scène pour chacune de ses interventions, le chœur de l'Opéra-Théâtre de l'Eurométropole de Metz fait comme à l'accoutumée grande impression. À la tête de Orchestre National de Metz Grand Est, David Reiland fait ressortir tous les détails d'une partition qu'on a toujours autant de plaisir à réentendre. Un peu sèche pour les cordes, l'acoustique de la salle réussit plutôt aux bois, aux vents et aux cuivres, instruments dont l'orchestration de Così fan tutte est tout sauf avare. Une soirée plébiscitée par un public venu nombreux pour se délecter des sortilèges de la musique de Mozart.
Crédit photographique : © Philippe Gisselbrecht – Opéra-Théâtre de l'Eurométropole de Metz
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Metz. Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz. 4-II-2025. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1971) : Così fan tutte, ossia la scuola degli amanti. Opera buffa en deux actes sur un livret de Lorenzo Da Ponte. Mise en scène : Stefano Vizioli. Décors et costumes : Milo Manara. Coordination des décors : Benito Leonori. Coordination des costumes : Roberta Fratini. Lumières : Nevio Cavina. Avec Ekaterina Bakanova, soprano (Fiordiligi) ; Lilly Jørstad, mezzo-soprano (Dorabella) ; Francesca Cucuzza, mezzo-soprano (Despina) ; Antonio Mandrillo, ténor (Ferrando) ; Jiří Rajniš, baryton (Guglielmo) ; Matteo Loi, baryton (Don Alfonso). Chœur de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz (cheffe de chœur : Nathalie Marmeuse). Orchestre national de Metz Grand Est, direction : David Reiland