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Les poèmes symphoniques d’Augusta Holmès, entre héroïsme et sensualité

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Augusta Holmès (1847-1903), Poèmes symphoniques : Roland Furieux ; Irlande ; Pologne ; Andromède ; Ludus pro patria. Deutsche Staatsphilharmonie Rheinlad-Pfalz. Michael Francis, direction. 1 CD CPO. Enregistré en septembre 2022 et novembre 2023 à la Philharmonie Ludwigshafen. Notice de présentation en allemand et anglais. Durée : 66:00

 

La Deutsche Staatsphilharmonie Rheinland-Pfalz ressuscite les poèmes symphoniques, héroïques et flamboyants d', compositrice oubliée mais admirée, entre autres, par Camille Saint-Saëns, Vincent d'Indy et César Franck.

Est-ce parce qu'elle admirait particulièrement Richard Wagner, que ce sont des musiciens allemands qui ressuscitent aujourd'hui (1847-1903), l'une des premières compositrices françaises à avoir osé affronter ses collègues masculins dans des œuvres symphoniques de grande ampleur ?

Près de 30 ans après un premier disque un peu sage (sous licence Marco Polo réédité par Naxos), la Deutsche Staasphilharmonie Rheinland-Pfalz (Rhénanie-Palatinat), réenregistre quasiment le même programme de poèmes symphoniques d', cette fois sous la baguette de , autrement plus engagé que son prédécesseur .

Rares étaient les compositrices de la fin du XIXe siècle à oser s'attaquer à la « grande forme », les femmes musiciennes étant une fois de plus cantonnées à l'intimité de la musique « salonarde », charmantes mélodies et musique de chambre. Pourtant, tout comme la musique symphonique de (1865-1941), récemment redécouverte, celle de son aînée Augusta Holmès mérite de revivre sur scène, tant sa personnalité flamboyante se retrouve dans sa musique.

Née dans une famille anglo-irlandaise établie en France, filleule d'Alfred de Vigny, compagne de Catulle Mendès (dont elle eut cinq enfants), amie de Stéphane Mallarmé, de Rodin, de Renoir, d'Henri Barbusse (qui épousa une de ses filles), Augusta Holmès était une femme de caractère, d'une grande indépendance, familiale, intellectuelle et politique. Camille Saint-Saëns la demanda plusieurs fois en mariage, Vincent d'Indy, César Franck en étaient secrètement amoureux. Et Augusta Holmès connut un triomphe (faisant bien des jaloux parmi ses confrères hommes) avec sa gigantesque Ode triomphale (plus de 1 200 exécutants !), composée pour le premier centenaire de la Révolution française.

Mais toutes ces anecdotes ne doivent pas occulter la qualité de la musique d'Augusta Holmès. Et même si les influences de Richard Wagner et Franz Liszt sont évidentes, ce mélange d'énergie et d'héroïsme, associés au lyrisme et à la sensualité ne peut laisser indifférent.

La très belle anthologie réalisée par à la tête de la Deutsche Staatsphilharmonie Rheinland-Pfalz en est une belle illustration. A l'image de la symphonie Roland Furieux, qui ouvre le programme. Composée en 1875-1876, inspirée de l'Orlando Furioso du poète de la Renaissance Ludovico Ariosto, cette symphonie est surtout l'occasion de brosser une vaste fresque chevaleresque, pleine de bruits et de fureur, de cavalcades symphoniques (on est parfois proche de la Chevauchée des Walkyries), de sombres bois romantiques, mais aussi de tendres passions amoureuses. Tout cela pourrait paraître excessif, mais il n'en est rien tant l'écriture, malgré ses influences assumées, est savamment dosée, équilibrée, lumineuse (particulièrement dans le deuxième mouvement). L'orchestre de Rhénanie-Palatinat y est également parfaitement en place, la direction de évitant toute ostentation.

Les mêmes compliments vont au magnifique poème symphonique Andromède (1898), sans doute le chef-d'œuvre d'Augusta Holmès. La compositrice s'attelle ici au genre, très à la mode à l'époque, du poème symphonique inspiré de la poésie et de la mythologie gréco-latine (voir le Phaéton de Saint-Saëns ou la Psyché de César Franck).

La légende d'Andromède, fille de Poséidon, sauvée du sacrifice par Persée, possède en effet tous les ingrédients pour inspirer les musiciens. On y trouve les éléments marins, le drame de l'amour éternel, le combat contre des monstres, une ode à la liberté et au firmament. Les appels de cors du début, le grondement des violoncelles pourraient faire croire à un pastiche des ouvertures de Tannhäuser ou du Vaisseau fantôme. Mais la personnalité d'Augusta Holmès reprend vite le dessus avec ses accents fantastiques, une sensualité diffuse, et la douceur d'un final qui semble s'évaporer. C'est très beau et il est incompréhensible que cette oeuvre ne soit pas plus jouée sur les scènes françaises (il existe toutefois une autre très bonne version enregistrée par l'Orchestre national de Metz Grand Est sous la direction de David Reiland chez La Dolce Volta, Clef d'or ResMusica).

Augusta Holmès était également une patriote, une femme polémique, engagée politiquement dans la défense des peuples opprimés. Elle rejetait ainsi la politique oppressive de l'Angleterre envers l'Irlande. Et cela s'illustre dans son œuvre la plus célèbre, le poème symphonique Irlande (1871). A une belle introduction à la clarinette solo, au parfum de landes, succède une ambiance festive aux fiers accents celtiques, puis une marche triomphale où se lèvent les héros de la vieille Irlande. L'œuvre est colorée, pleine de vie, et aurait sans doute mérité un peu plus de folie que la battue somme toute assez sage de Michael Francis.

Un an après Irlande, Augusta Holmès propose une autre oeuvre « patriotique » avec Pologne, où elle exprime sa sympathie pour le peuple polonais opprimé par la russification brutale imposée par le tsar Alexandre III. C'est bien sûr une mazurka endiablée qui rythme une bonne partie de ce poème symphonique dont la « pompe » patriotique nous a laissé, il faut l'avouer, assez froid.

Plus sensible est par contre le Ludus pro patria qui termine le programme. Un andante amoroso qui, malgré son titre (« Jouer pour la patrie« ), s'avère une pièce atmosphérique et sereine. Conclusion apaisée qui montre que la musique d'Augusta Holmès n'est pas faite que d'héroïsme.

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