Nouvelle biographie de Dvořák agréable mais qui ne comble pas les attentes
Trop souvent réduit à une poignée de chefs d'œuvre célébrissimes, Antonin Dvořák demeure un compositeur sous-estimé parmi les grands du XIXe siècle. Réparer une injustice aussi flagrante et rendre à ce génie sa juste place demeure le défi de ses biographes.
La bibliographie de Dvořák en français est si mince qu'on espérait un nouvel ouvrage susceptible d'éclairer sous un jour nouveau notre connaissance du musicien tchèque. Avouons-le, ce petit opuscule s'avère plutôt décevant. De la préface de Martha Argerich, on ne retient qu'une chose : la grande pianiste ne connaît rien à Dvořák, tout au plus pense-t-elle avoir joué le Quintette il y a longtemps. Comme elle le dit avec ingénuité : « Il y a aussi beaucoup de symphonies je crois. Huit ou neuf ? … Le reste, je ne connais pas si bien, alors j'ai hâte de le découvrir avec ton livre. »
Le livre lui-même, s'il ne cache pas la sympathie de l'auteur pour le musicien, se cantonne plutôt à une simple biographie sans chercher vraiment à comprendre le style du compositeur ni à percer ce qu'il a pu apporter à la musique du XIXe siècle. Car Dvořák, malgré la célébrité de quelques-unes de ses pages, demeure toujours un peu sous-estimé, considéré avant tout comme un musicien purement national, alors que ses derniers chefs d'œuvre de musique de chambre le placent à l'égal de Schubert, et que ses symphonies valent largement celles de Brahms ou de Tchaïkovski. Agréable à lire même si l'auteur cède au goût des mots précieux (« berquinade », « rapicolante ») dans un style dont les inénarrables Reboux et Muller auraient dit que « la préciosité confine au gongorisme », l'ouvrage souffre cependant d'inexactitudes fâcheuses. Ainsi le Concerto pour violoncelle par Barenboim et Du Pré ne reflète pas la maladie de la violoncelliste « se sachant condamnée, chaque mesure et chaque note semblent une victoire remportée sur la mort ». Ce n'est que trois ans plus tard, à la suite d'un terrible concert avec Bernstein que la sclérose en plaques sera diagnostiquée. Quant à l'analyse des œuvres, elle se cantonne à quelques lieux communs, qu'il s'agisse du Quintette op.81 (« soucieux de ne pas seulement faire plaisant et joli mais beau et bon ») ou du Trio « Dumky » (« inutile de décrire chacun des mouvements. C'est accessible, c'est direct, c'est là »).
La lecture achevée, force est de reconnaître que notre connaissance de Dvořák n'a guère progressé. Restons donc fidèle à l'ouvrage beaucoup plus complet, et surtout autrement érudit et fouillé, de Guy Erismann chez Fayard.
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