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La majesté de Ian Bostridge dans Schumann à l’Athénée

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Paris. Athénée Théâtre – Louis-Jouvet. 27-I-2025. Robert Schumann (1810-1856) : Liederkreis op. 39. Dichterliebe op. 48. Béla Bartók (1881-1945) : Quatorze bagatelles, Sz. 38/BB 50. Piotr Anderszewski, piano ; Ian Bostridge, ténor

chante les deux grands cycles de lieder de Schumann sur les poèmes de Heine, accompagné par le piano ardent de .

Évidemment, le timbre de voix a changé depuis son enregistrement des Liederkreis et de Dichterliebe de en 1997, alors avec son fidèle accompagnateur Julius Drake. Pourtant, à tout juste 60 ans, n'a rien perdu de ses qualités de conteur.

Introduit par Liederkreis opus 24, cycle de chants sur des poèmes de Heinrich Heine (à ne pas confondre avec l'autre cycle homonyme, écrit la même année 1840 sur des poèmes d'Eichendorff), le récital de l'Athénée-Louis Jouvet expose dès le premier lied toute la maturité du ténor anglais, d'une classe toute britannique, à l'instar de son accent toujours bien identifiable bien qu'il s'ajuste au texte allemand avec une grande précision. D'une superbe diction, raconte chaque poème d'une voix à présent plus limitée en souffle, au profit d'une magnifique intériorité. Passionnant également, bien qu'un peu bruyant en chantonnant souvent les thèmes pendant qu'il joue, accompagne le ténor avec une adaptation du jeu à chaque chant. Dynamique sans être trop percussif, il suit avec liberté et précision les rythmes de Bostridge.

En guise d'interlude entre les deux cycles, interprète les rares Quatorze Bagatelles de . Enregistrées l'an dernier pour Warner, ces pièces de relative jeunesse (1908) affirment déjà totalement le style anguleux du génie hongrois. Mais par rapport à son enregistrement, le pianiste polonais semble à Paris plus léger et plus fluide pour démontrer à quel point la partition (renommée Bagatelles en 1910 en hommage à Beethoven) reste véritablement mélodique. Peut-être influencé par les œuvres de Schumann qu'il interprète le reste de la soirée, il assombrit le ton particulièrement au Rubato (n°12) avant de sombrer totalement dans la mélancolie du Lento funèbre (n°13), au risque de peiner à retrouver un caractère plus altier dans la Valse finale, marquée par un style pensif plutôt que véritablement joueur.

Au retour du ténor, le Steinway introduit Dichterliebe avec la même tristesse contenue, pour laisser immédiatement Ian Bostridge imprégner son timbre de mélancolie, malgré la tendresse évidente qui émane de son chant. Là encore, le souffle est plus court qu'auparavant, sans altérer jamais la prestation, d'une majesté et d'une maturité toujours flagrantes. Quelques aigreurs apparaissent certes dans le haut-registre, par exemple pour Ich grolle nicht (n°7), emporté par la célérité et l'énergie du chanteur alors presque nerveux, qui devient plus mobile devant le piano, alors qu'il avait montré une gestuelle plus mesurée dans le premier cycle. Le cou rentré dans les épaules, il change de style au lied suivant, malgré le geste toujours très vif du pianiste, encore plus propice à imposer son rythme dans le Das ist ein Flöten und Geigen (n°9). Doucereux, le seizième lied s'achève dans le chant classieux de Bostridge, et sur les mesures du piano seul, prises très lentement par Anderszewski.

Après une telle prestation, un bis n'était pas forcément attendu, mais les artistes en avaient prévu un : le merveilleux An Die Musik D.547 de Schubert.

Crédits photographiques : © ResMusica (Saluts)

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Paris. Athénée Théâtre – Louis-Jouvet. 27-I-2025. Robert Schumann (1810-1856) : Liederkreis op. 39. Dichterliebe op. 48. Béla Bartók (1881-1945) : Quatorze bagatelles, Sz. 38/BB 50. Piotr Anderszewski, piano ; Ian Bostridge, ténor

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1 commentaire sur “La majesté de Ian Bostridge dans Schumann à l’Athénée”

  • Denizeau Gérard dit :

    Tout est juste dans ce propos, y compris les (très) légères réserves relatives aux distractions du pianiste (mais le grand Samson François, lui-même, ne se laissait-il pas aller, à l’occasion, à quelque surprenante et bruyante vocalise (en général dans la tonalité la plus lointaine) au beau milieu des grands concertos romantiques ? « Classieux » pour Bostridge, j’adore ! Une lecture qui vous réconcilie avec les aléas de la critique musicale !

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