Extrait du Livre des Élégies de Jacques Lenot

Nouvelle parution sous le label L'Oiseau Prophète, Des anges & des dieux pour violoncelle et orchestre de Jacques Lenot est la sixième pièce d'un cycle de vingt-quatre envisagé par le compositeur sous le titre de Livre des Élégies.

Des anges et des dieux convie la violoncelliste Marie Viard et l'Orchestre national de Cannes dirigé par Benjamin Levy : ce sont quatre « Mouvements » qui s'enchaînent sans autre précision. On ne lit dans la note d'intention du compositeur que la genèse du projet, qui court de 2019 à 2023, et les nombreuses pistes littéraires qui l'ont amené à choisir son titre. Ni concerto ni symphonie concertante, prévient-il. Si le violoncelle est en vedette, il entretient avec l'orchestre une relation singulière qui va évoluer au cours des quatre parties. Il débute seul, mis en avant dans l'enregistrement, alors que l'orchestre tisse sa toile sonore plus en retrait. La ligne soliste est escarpée, selon le profil mélodique et la conduite lenotiens : notes longues de durées égales et discours fragmenté. Le coup d'archet est ardent et le vibrato expressif soutenu par les résonances graves d'un piano très percussif. Le violoncelle gagne progressivement les aigus, épaulé par les pupitres de l'orchestre qui semblent en réverbérer les sonorités. Plus enveloppant dans Mouvement 2…, l'orchestre suit, voire anticipe la soliste en une sorte de canon, ourlant de près le tracé du violoncelle. Bois et cordes texturent l'espace tandis que s'exacerbe la tension expressive. Domine, au début du 3, l'écriture oiseau des bois, charivari tout en aspérités qui surplombe la ligne plus étale du violoncelle mise, cette fois-ci, au second plan. Une troisième strate, celle des cuivres, sourd dans le grave. Le violoncelle est concurrencé et progressivement immergé dans le flot orchestral presque bruyant. Le bruissement délicat des cordes sur lequel s'inscrit la partie soliste dans le 4 engendre une dernière configuration orchestrale au sein de laquelle le violoncelle retrouve sa plénitude expressive, épousant in fine un contour ornemental plus sophistiqué.

Ainsi se dessine le parcours de l'œuvre, avec la radicalité de l'écriture et la maîtrise formelle qui président à chacune des partitions de Jacques Lenot. Le violoncelle de Marie Viard est somptueux, puissant et onctueux, voyageant dans tous les registres avec une homogénéité de timbre qui fait merveille. L'orchestre n'est pas moins réactif, traité par famille et strates sonores dont Benjamin Levy soigne tout à la fois le timbre et les équilibres.