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D’une sérénade l’autre par Laurent Cuniot et son ensemble TM+

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Gennevilliers. Conservatoire Edgard Varèse 24-I-2025. Laurent Cuniot (né en 1957) : Sérénade amorphose pour petit ensemble ; Arnold Schönberg (1874-1951) : Sérénade pour baryton et septuor op. 24. Laurent Bourdeaux, voix ; TrioPolycordes ; Ensemble TM+ ; Christophe Schaeffer, vidéo ; direction : Laurent Cuniot

Compositeur et directeur artistique de TM+, aime les mises en perspective historiques. Après son « Chant de la terre » (2024) en regard avec celui de Mahler, il relie, dans un même geste instrumental, sa Sérénade amorphose (2025) à celle de Schönberg qui le fascine depuis fort longtemps.

« D'une Sérénade l'autre » embarque le public dans un nouveau « voyage de l'écoute et du regard » où les images de émancipent le champ de perception offert à l'auditeur. En lien avec le projet de , le vidéaste a travaillé à partir du tableau inachevé de Nicolas de Staël Le concert. La toile est peinte en 1955, quelques jours avant le suicide de l'artiste. Ce dernier y fixe ses impressions après l'écoute d'œuvres de Schönberg et Webern lors d'un concert du Domaine musical… Entre figures et abstraction, flux de matière et énergie de la couleur (le rouge du plasticien embrase l'écran au début du voyage), le vidéaste créé un espace qui interpénètre finement celui de la musique sans en concurrencer le mouvement : ainsi « l'œil écoute » en parfaite harmonie.

Pour Sérénade amorphose qui prélude à l'œuvre de Schönberg, a gardé la formation instrumentale atypique du Viennois (2 clarinettes, 3 cordes frottées, mandoline et guitare) sans faire intervenir le baryton (mouvement 4 chez Schönberg) et en rajoutant la harpe du – Sandrine Chatron à côté de Florentino Calvo (mandoline) et Jean-Marc Zvellenreuther (guitare). Il dit également avoir conservé peu ou prou la même découpe formelle que celle de la Sérénade même si la pièce d'une petite demi-heure s'entend d'un seul tenant.

 

Mandoline offensive, profil microtonal et multiphoniques de la clarinette basse cernent d'emblée l'espace sonore de Sérénade amorphose. L'urgence du discours qui propulse les sonorités vers les sommets contraste avec des plages de temps suspendu où se dessinent les lignes courbes et sensuelles d'une clarinette très en dehors. Au mitan de l'œuvre, le clarinettiste esquisse un « pas de deux » espiègle avec son partenaire (Matthieu Steffanus et Bogdan Sydorenko). L'écriture est ciselée autant que virtuose, condensée comme celle du maîtres viennois dont elle préfigure tout à la fois l'univers de la danse, les couleurs et le lyrisme : il s'entend dans le solo élégant du violon de Noëmi Schindler juste avant le final enlevé.

Le passage d'une sérénade à l'autre est fluide, à la faveur du solo d'alto (Marc Desmons) qui introduit le thème de la « Marche » dans la Sérénade op. 24 de Schönberg. L'œuvre de 1923 est la première pièce dodécaphonique d'envergure du Viennois. Les sept numéros empruntent aux mouvements de la suite baroque que le compositeur stylise allègrement. La métrique de la danse (Marche, Menuet, Scène de danse…) est prégnante et le néo-classicisme affleure, dans la Tanzscene (5) tout particulièrement, avec le chant très stravinskien de la clarinette et sa petite note ornementale. En revanche, le mouvement 4, avec l'intervention du baryton (Laurent Bourdeau) chantant en allemand un sonnet de Pétrarque, est le lieu de l'expérimentation où la ligne vocale s'intègre à la combinatoire sérielle de l'écriture instrumentale. Dans l'interprétation très maîtrisée du chef et des musiciens, l'œuvre, entre rigueur et fantaisie, dégage un charme singulier. Elle est au répertoire de TM+, magnifiée ce soir par les images de .

Crédit photographique : © TM+

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Gennevilliers. Conservatoire Edgard Varèse 24-I-2025. Laurent Cuniot (né en 1957) : Sérénade amorphose pour petit ensemble ; Arnold Schönberg (1874-1951) : Sérénade pour baryton et septuor op. 24. Laurent Bourdeaux, voix ; TrioPolycordes ; Ensemble TM+ ; Christophe Schaeffer, vidéo ; direction : Laurent Cuniot

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