La danse contemporaine à la sauce basque de Bilaka fait mouche

Avec Bezperan, le collectif d'artistes basques Bilaka mêle intelligemment ses solides racines avec des éléments plus contemporains, magnifiés par la mise en scène de Daniel San Pedro, au Théâtre Michel Portal à Bayonne.

Bezperan, vient d'une expression basque, transmise de façon orale, illustrant une projection intime vers un avenir proche et incertain. La pièce mise en scène par Daniel San Pedro -à la fois comédien, metteur en scène et professeur de théâtre à l'école de danse de l'Opéra de Paris, rôdé au travail pluridisciplinaire cher au collectif Bilaka – commence par un chant en langue basque non traduit s'adressant aux abeilles un soir d'hiver. Ce moment de poésie sur un plateau envahi de fumée donne le ton de ce spectacle où la nature, mais aussi le surnaturel n'est jamais loin. Les abeilles doivent être rassurée par ce chant susurré, afin qu'elles continuent à produire leur cire vitale. Sans les mots auxquels se raccrocher pour la plupart d'entre nous, le spectateur est tenu en haleine par l'interprétation intense des huit danseurs du collectif Bilaka qui œuvre au prolongement contemporain des danses et des musiques traditionnelles du pays basque, en se produisant sur de nombreuses scènes nationales.

Bezperan signifie le jour d'avant. Avant le renouveau, l'espoir et le retour des abeilles. Le moment où il faut faire le deuil et communiquer avec la nature omniprésente dans la culture basque. Le metteur en scène Daniel San Pedro a choisi d'utiliser la laine de brebis (recyclable et réutilisable) pour représenter la neige qui recouvre une grande partie du pays basque en hiver. Les danseurs évoluent dans ce décor épuré et peu éclairé, le plus souvent en groupe et à l'unisson. Ces mouvements d'ensemble alternent avec des moments de liesse frénétiques qui puisent leur inspiration dans les danses folkloriques basques. L'incroyable danse des bâtons en est un bon exemple, faisant la preuve de l'immense dextérité et précision des danseurs. Les morceaux de bois sont frappés de manière synchrone, entre eux, contre ceux des partenaires ou au sol à un rythme de plus en plus soutenu. De même la scène finale du mât duquel pendent des sangles que les danseurs vont peu à peu tresser autour du poteau en évoluant de plus en plus rapidement, jusqu'à l'épuisement est remarquable. Comme un cercle sans fin, le spectacle se termine comme il avait commencé, par une chanson à l'unisson.

Les danseurs du collectif Bilaka sont impressionnants de maîtrise, de précision et d'engagement dans cette création qui annonce déjà complet pour les cinq dates proposées au Théâtre Michel Portal de Bayonne, et pour les quelques dates de la tournée déjà programmées. On peut saluer le geste chorégraphique sûr, évolutif, mêlant les références du folklore et des danses basques au registre contemporain que le collectif Bilaka maîtrise parfaitement, pour le transcender avec habileté. La séquence au sol où les corps de trois danseurs avancent en s'entremêlant en est un très bon exemple. Les contrastes, les ruptures entre les registres et les rythmes fonctionnent bien, notamment grâce aux musiciens du collectif présents sur scène. Ils font partie intégrante de cette pièce pleine d'énergie où la joie et la vie jaillissent comme les torrents qui descendent des Pyrénées, et triomphent de tout. Violon, percussions, guitare ou accordéon accompagnent en douceur ou amplifient la transe qui parcoure régulièrement le groupe de danseurs. Ces « artistes compagnons » de la Scène nationale du Sud-Aquitain foulent par la deuxième fois ce plateau, après le succès de leur spectacle précédant, Gernika.

Crédit photographique : © Charlotte Costa