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Lucile Boulanger, messagère de la viole de gambe à travers les siècles

Dans son nouveau disque, nous propose une traversée du temps avec la viole de gambe, du XVIIe au XXIe siècle. Un fascinant dialogue, de à .

Le dernier disque de s'appelle La Messagère, du nom d'une pièce de  qui lui est dédiée. Mais il pourrait tout aussi bien s'intituler La Fugitive ou Les Ombres, autres titres d'œuvres, tant le voyage que nous propose la nouvelle « reine » de la viole de gambe sort des sentiers battus, nous emmène en des contrées inédites, tout autant lumineuses qu'obscures.

« Je veux croire qu'aujourd'hui, il n'est plus nécessaire de prouver que mon instrument fait pleinement partie de notre paysage musical. La viole est bel et bien vivante« , déclare dans le livret de son album. Et, de fait, de l'incontournable à , , , en passant par les Sieurs Demachy et Sainte-Colombe, Lucile Boulanger traverse presque quatre siècles de musique. Et démontre avec un immense talent l'incroyable contemporanéité d'un instrument que l'on croyait enfermé dans le répertoire baroque. Il est vrai que par ses capacités polyphoniques, harmoniques, cette manière de sonner et de résonner, de nous transporter hors du temps et de nous-même, la viole de gambe ne peut qu'intéresser les compositeurs contemporains. Toutes les œuvres sélectionnées par Lucile Boulanger résonnent ainsi entre elles.

N'est-elle pas d'une incontestable modernité cette Suite en ré mineur du Sieur de Sainte Colombe, pourtant composée en 1690 ? Les violents coups d'archets dans les basses, le style abrupt, les écarts harmoniques anticipent déjà sur les recherches sonores des compositeurs contemporains invités, qui revendiquent sans peine leur filiation et leur admiration pour le répertoire du XVIIe siècle.

C'est ainsi le cas de Philippe Hersant qui, dans les cinq miniatures de L'Ombre d'un doute (2008), écrites pour un film documentaire consacré au Caravage, cite directement L'Orfeo de Monteverdi, manipule le clair-obscur, et transforme la viole en luth ou en harpe.

La compositrice a dédié La Dame de onze heures (2022) à Lucile Boulanger. Là encore, cette pièce magique, rythmée par un long balancement continu, exploite toutes les capacités harmoniques de la viole, jusqu'aux cordes pincées d'une guitare imaginaire.

Dans La Fugitive (2024), offre à Lucile Boulanger une subtile méditation d'une grande virtuosité, où les glissements furtifs, les balayages harmoniques transportent l'auditeur dans un univers sonore inouï, jusqu'à l'évaporation finale.

Autant de mises en miroir avec les pièces de , du Sieur Demachy ou du pionnier (maître de Sainte Colombe), offrant ainsi un « dialogue entre l'attendu et l'inattendu » selon les mots de Lucile Boulanger.

S'achevant sur l'impressionnante chaconne de la Suite en ré majeur du Premier livre des Pièces à une et deux violes de Marin Marais (1686), jouée d'un seul souffle, ce merveilleux disque offre un portrait multiple de la viole de gambe, instrument à la beauté intemporelle.

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