L’Ensemble Orchestral Contemporain réunit Mahler et Hurel à Saint-Étienne
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Saint-Étienne. La Comète. 15-I-2025. Philippe Hurel (né en 1955) : Pour l’image ; Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 5, transcription pour 19 musiciens de Klaus Simon (né en 1968). Ensemble Orchestral Contemporain, direction : Bruno Mantovani
Concert à domicile pour l'Ensemble Orchestral Contemporain qui, dirigé par son chef Bruno Mantovani, poursuit son exploration des symphonies de Gustav Mahler transcrites par Klaus Simon, avec, en préambule, la polychromie de Pour l'Image de Philippe Hurel.
C'est non pas dans ses murs à l'Opéra, mais à la Comète, salle à vocation polyvalente ouverte il y a cinq ans, que l'Ensemble Orchestral Contemporain a donné rendez-vous au public stéphanois venu en grand nombre. Si l'espace de la scène est idéal pour recevoir les dix-neuf musiciens de la formation, une discrète sonorisation permettant de corriger les effets de la matité acoustique du lieu s'avère ce soir-là opportune à cette version pour effectif réduit de la Symphonie n°5 de Mahler, ainsi qu'à la pièce Pour l'image de Philippe Hurel (compositeur en résidence auprès de l'EOC) qui ouvre le concert. Cette œuvre composée en 1986 et appartenant au répertoire de l'ensemble séduit par l'inaltérable fraîcheur et la variété de ses couleurs. D'écriture spectrale, elle se déploie de façon organique, évolutive, à partir de mélodies microtonales en boucle. Le chef se doit de veiller aux proportions, au subtil équilibre entre nappes formées de la fusion des lignes et des timbres et émergences des couleurs instrumentales, entre densité sonore et pointillisme, et où le rapport de l'élément au tout est questionné. Cela suppose un ciselage de la matière sonore, un modelage de la masse instrumentale dans son mouvement, une façon de faire respirer cette musique que Bruno Mantovani à la tête de l'ensemble réalise superbement.
Après la Symphonie n°1 « Titan » et la Symphonie n°4, l'EOC continue, avec sa Symphonie n°5, son cycle dédié aux cinq symphonies (1, 4, 5, 7 ,9) de Gustav Mahler transcrites pour dix-huit solistes par le pianiste et chef allemand Klaus Simon. L'effectif réduit à un instrument par voix se trouve ici enrichi d'un piano et d'un accordéon, le premier apportant son soutien principalement dans le registre grave, le second ayant l'avantage de mettre du liant et donnant par son timbre une coloration bienvenue à certains endroits de l'œuvre. Un rajout de timbales procure un relief supplémentaire. Ne cherchant nullement à s'approcher de l'effet de masse symphonique, ce qui serait parfaitement illusoire, Bruno Mantovani propose une lecture de l'œuvre prenant en compte l'importance équivalente des voix dans cette configuration instrumentale, trouvant une couleur orchestrale directement issue de cette équivalence et du nouveau rapport proportionnel entre cordes et vents, tirant parti de celui-ci notamment pour, paradoxalement, exacerber les tensions chez les violons dans leur registre aigu. Mais le plus frappant est cette mise à nu, cette exposition permanente de la polyphonie, du contrepoint complexe omniprésent dans l'œuvre qui font que sa lecture s'éloigne du romantisme tardif pour se rapprocher de l'expressionnisme naissant des premiers opus de Schoenberg contemporains de celle-ci (4 et surtout 9). *
Les contrastes sont accusés dans la Trauermarsch qui ouvre la Symphonie : entre le rythme particulièrement serré de la trompette claironnante au timbre froid et clair et la marche qui suit, sombre, plombée ; entre les bouleversantes inflexions mélodiques du premier thème et les sonneries de fanfare dans ce qu'elles charrient de dérisoire. Ils le sont également dans le deuxième mouvement « Orageux et véhément », alternant gerbes violentes et ombres inquiétantes, suivies de la présence fantomatique du solo de violoncelle (joué par Valérie Dulac). Le Scherzo, clé de voûte de l'ouvrage, est une gageure de taille tant il cumule de difficultés, de complexités : long parcours sans faute de l'orchestre tenu par la direction affutée du chef qui sait y insuffler tout ce qu'il recèle de relents viennois, de grotesque, de caricature et même de désordre, sans jamais verser dans l'outrance, et un coup de chapeau à Didier Muhleisen, magnifique cor solo ! Frédéric Aurier, premier violon, se distingue quant à lui particulièrement dans l'Adagietto, livrant une ligne de chant d'une expressivité bouleversante sur une belle fusion des cordes. Pris très lent, crépusculaire, poignant, ce mouvement s'achève dans une nuance d'une douceur extrême à la lisière du souffle. Le Rondo-Finale sonne d'une clarté nouvelle, quasi printanière, comme soulevé par un élan vital, transfigurant ce qui a précédé.
La qualité de l'interprétation des solistes de l'ensemble, la vision de Bruno Mantovani, sa sensibilité d'approche n'ont pas échappé au public stéphanois qui manifeste son émotion. Le rendez-vous semble d'ores et déjà pris pour les Chants de la nuit à venir.
Crédit photographique © Jany Campello/Resmusica
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