Zubin Mehta et les Wiener Philharmoniker dans la Neuvième de Bruckner : l’aboutissement !
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Paris. Théâtre des Champs-Elysées. 17-I-2025. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour violon et orchestre n° 3 en sol majeur K. 216 ; Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n° 9 en ré mineur. Pinchas Zukerman, violon. Wiener Philharmoniker, direction : Zubin Mehta.
Pour ce traditionnel passage avenue Montaigne, les Wiener Philharmoniker conduit par Zubin Mehta interprètent la Symphonie n° 9 d'Anton Bruckner, précédée du Concerto pour violon n° 3 de Mozart avec Pinchas Zukerman en soliste.
Etonnant couplage que celui de la monumentale et très spiritualisée Symphonie n° 9 de Bruckner et du galant Concerto pour violon n° 3 de Mozart, une mise en miroir assez discordante qui ressemble singulièrement au mariage de la carpe et du lapin, tant par leur inspiration diamétralement opposée que par leur niveau respectif d'interprétation car si la première séduit, l'autre pas…
Composé en 1775 à l'instar des quatre autres, le Concerto pour violon n° 3 de Mozart se cantonne dans le domaine galant, séduisant amuse-bouche qui virera rapidement à la soupe à la grimace tant l'interprétation de Pinchas Zukerman parait hors de propos manquant singulièrement de légèreté et de cantabile, pénalisée encore par la projection très limitée du violon et par une péroraison à la limite de la justesse, heureusement sauvée par le superbe accompagnement orchestral du Philharmonique de Vienne (hautbois et petite harmonie.)
Il serait bien vain de vouloir retracer en quelques lignes, la prestigieuse carrière de Zubin Mehta, aujourd‘hui âgé de 88 ans, qui le conduisit à diriger les plus illustres phalanges de Vienne à Berlin en passant par Israël, Los Angeles, New York ou encore Florence pour n'en citer que quelques-unes… Anton Bruckner et Zubin Mehta, c'est déjà une longue histoire de près de 60 ans, jalonnée de nombreux enregistrements de référence parmi lesquels il faut citer la Neuvième enregistrée avec les Viennois en 1965 pour Decca dont on rapprochera les versions de 2014 et 2021 enregistrées avec les Berliner Philharmoniker visionnables sur Digitalconcerthall.
D'une toute autre facture que le concerto mozartien, la Symphonie n° 9 d'Anton Bruckner, ultime symphonie du maitre de Saint Florian, est une œuvre testamentaire, inachevée, récapitulative, d'une ambition hors du commun par son propos, puisque dédiée à Dieu. Elle ne comprend que trois mouvements, le quatrième laissé à l'état d'ébauche par la mort du compositeur « comme Dieu l'a voulu ». Zubin Mehta en livre une interprétation de belle facture dans une lente progression envoutante, tendue et fervente servie par la magnifique plastique orchestrale des Wiener Philharmoniker, tous pupitres confondus. Le premier mouvement séduit par sa clarté et par l'équilibre entre les différents pupitres : cordes lyriques, cuivres rutilants et solennels, parfaitement contenus, petite harmonie aux traits mystérieux, timbales véhémentes, mais sans excès. Dans un flot musical tendu et continu Zubin Mehta avec une étonnante économie de moyens (il dirige assis, sans partition) ne force jamais le trait, dirige avec souplesse, mettant au jour de nombreux contrechants (cor), conduisant avec maestria des crescendos savamment préparés, dans une alternance d'épisodes lyriques et de moments plus agités qui combine grandeur et fragilité, lyrisme et inquiétude, conclu par une impressionnante coda, plus fervente que tellurique. Le Scherzo, plus pesant que bondissant, massif, s'appuie sur des pizzicati et des attaques de cordes cinglantes sur lesquels s'inscrivent les rapides figures menaçantes de la petite harmonie : véritable danse des damnés, interrompue en son mitan par un radieux trio recrutant bois et cordes. L'« Adieu au monde » de l'Adagio final, en revanche, déçoit quelque peu, par la lenteur excessive de son tempo et sa fragmentation marquée par de longues pauses qui en altère la verticalité. Sans aucun stigmate de prosélytisme conquérant, Zubin Mehta l'habite d'une longue attente confiante (cordes et tubas wagnériens) et douloureuse (cuivres) avant qu'un puissant tutti ne marque l'ouverture des portes de l'Eternité devant l'humble ménestrel de Dieu, le monde terrestre alors s'abolit, ne laissant persister que quelques pizzicati suspendus sur un long accord tenu…
Crédit photographique : © Wilfried Hoesl
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Paris. Théâtre des Champs-Elysées. 17-I-2025. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour violon et orchestre n° 3 en sol majeur K. 216 ; Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n° 9 en ré mineur. Pinchas Zukerman, violon. Wiener Philharmoniker, direction : Zubin Mehta.
Patrice Imbaud ne connaît pas grand’chose à l’oeuvre de Bruckner. J’ai assisté à ce concert et la conception et interprétation de Mehta était exemplaire et très émouvant.
J’ai également assisté au concert.
La neuvième de Bruckner était d’anthologie, d’un bout à l’autre et le public ne s’y est pas trompé.
L’interprétation de Pinchas Zukerman en revanche ne laissera pas un souvenir impérissable, n’étant sauvée que par les qualités de l’orchestre.
La symphonie de Bruckner ne comporte pas « que » 3 mouvements et le quatrième n’est pas à l’état d’ « ébauche », il y a des pages entières orchestrées. Seule la toute fin est absente. Bien des chefs (et pas des moindres) dirigent à présent les reconstitutions proposées de ce finale qui change toute la portée de cette œuvre fascinante.
Il existe effectivement un certain nombre de versions du quatrième mouvement.
La question de savoir s’il vaut mieux s’arrêter ou non au troisième mouvement reste ouverte. Dans la dernière intégrale des Wiener (qui fait référence), Christian Thielemann a choisi de s’arrêter au troisième mouvement. Il s’explique à ce sujet dans les bonus des DVD ou Blu-ray associés.
Bruckner avait, quant à lui, suggéré que son Te Deum soit donné en guise de quatrième mouvement dans le cas où il ne parviendrait pas à achever sa dernière symphonie.