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Akram Khan, ou la poésie indienne au Théâtre des Champs-Elysées

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Paris. Théâtre des Champs-Elysées. 13-I-2025. Dans le cadre de Transcendanses. Akram Khan : « Gigenis, the generation of the Earth »
Direction artistique : Akram Khan. Avec : Akram Khan, Sirikalyani Adkoli, Renjith Babu, Mavin Khoo, Mythili Prakash, Vijna Vasudevan, Kapila Venu. Musiciens BC Manjunath (percussions Mridangam), Kalamandalam Rajeev  (percussions Mizhavu), Hariraam Lam (violon), Nina Harries (contrebasse) . Voix : Sohini Alam, Chitra Poormina Sathish, Rohith Jayaraman

Avec Gigenis, le chorégraphe anglo-bangalais nous offre au Théâtre des Champs-Elysées un magnifique trajet de vie d'une femme et de ses fils, qui touche aussi à l'universel. Avec un mariage subtil entre danses et musiques traditionnelles indiennes.

Dans un fracas terrible, s'ouvre soudain un plateau empli d'une douce lumière trouble. Des voix s'élèvent, qui nous paraissent très nombreuses, et dont on découvrira, aux saluts, qu'elles ne sont que trois. Trois magnifiques voix indiennes qui psalmodient ou lancent ce qui doit ressembler à des implorations autant qu'à des colères… Face à la salle, un percussionniste frappant sans aucune pause un Mizhavu (un grand pot en terre cuite) et côté cour, un percussionniste, un violoniste et un contrebassiste.

Au centre, sept danseurs  vont évoluer pendant 1h15 dans une suite de situations narratives ou justes dansées, illustrant certaines scènes du Mahabharata indien, qui avaient déjà inspiré le chorégraphe dans Until the lions. La narration est assez claire : une femme, jeune, puis épouse, puis mère, va se souvenir des drames de sa vie : la perte de son mari au combat, puis celle de ses deux fils qui briguaient le même pouvoir, à l'instar des cousins Duryodhana et Yudishthira  de cette  grande fresque indienne. Mais chacun à sa manière : l'un est pacifiste, l'autre manipulateur et violent. Ainsi va la vie… Une couronne imaginaire se pose de tête en tête jusqu'à ce que l'on comprenne que la rivalité entre ces deux hommes mènera au chaos final.

Entre temps, que de beaux moments de danse  indienne, avec ces poses emblématiques, jambes écartées à la seconde, torse flexible, bras ondulants, mains si joliment ouvertes, poignets manipulés en grande extension. Parfois, la danse devient guerrière (relevant même des arts martiaux) entre pieds frappés au sol et corps énergiques. Le plus souvent, elle est d'une grande poésie tant dans le rythme que dans le mouvement et la maitrise de l'espace. Mais aussi dans l'unisson entre les personnages-danseurs, et dans la douceur des costumes traditionnels, aux coloris pastels. Quelques mots répétés en anglais (je suis une file, une épouse, une mère) sont là pour nous aider à comprendre que tout se déroule dans le fll d'une vie de femme. L'histoire est là, et pourtant et ses complices ont d'abord commencé à travailler sur la musique avant de trouver le fil narratif, et cela explique alors très bien la puissance de ce mariage parfait entre le mouvement, les sons et les mélodies.

Akram Khan est anglais, d'une famille bangalaise. Il a toujours été à la recherche de ses origines, travaillant les danses traditionnelles en leur insufflant ses propres  influences de danse contemporaine. Cette fois-ci, il semble avoir fait le chemin inverse, travaillant exclusivement avec des danseurs traditionnels indiens pratiquant le Bharata natyam ou le Kutiyattam. On y sent néanmoins quelques influences de Martha Graham, d'Ariane Mnouchkine ou de Peter Brook, avec qui avait travaillé sur le Mahabharata à l'âge de 13 ans. Il y a là comme une volonté de retours aux sources et à l'essentiel, à l'heure où le chorégraphe ne trouve pas dans le monde actuel de raisons  de se réjouir. Et comme pour étayer ce besoin de se laver d'un monde  qui va mal, le chorégraphe revient aussi danser. Alors qu'il avait annoncé ses adieux à la scène en 2022 lors de sa venue au Théâtre des Champs-Elysées avec son solo Xenos, le revoici discrètement à l'affiche parmi les trois hommes danseurs. A 50 ans, il est plus que jamais en forme, tant dans sa danse que dans son inspiration. Ce qui est, aussi, un très beau cadeau qu'il fait au public.

Crédits photographiques : ©  Camilla Greenwell Productions Sarfati

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Paris. Théâtre des Champs-Elysées. 13-I-2025. Dans le cadre de Transcendanses. Akram Khan : « Gigenis, the generation of the Earth »
Direction artistique : Akram Khan. Avec : Akram Khan, Sirikalyani Adkoli, Renjith Babu, Mavin Khoo, Mythili Prakash, Vijna Vasudevan, Kapila Venu. Musiciens BC Manjunath (percussions Mridangam), Kalamandalam Rajeev  (percussions Mizhavu), Hariraam Lam (violon), Nina Harries (contrebasse) . Voix : Sohini Alam, Chitra Poormina Sathish, Rohith Jayaraman

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