À la découverte d’un pianoforte organisé de 1784 avec Catherine Zimmer

L'intérêt majeur de ce CD est la découverte d'un instrument assez unique d'un concept de deux en un. Un pianoforte carré doué d'un jeu d'orgue datant de la fin du XVIII^e siècle est remarquablement mis en valeur par le jeu éclairé de Catherine Zimmer.

Voilà un programme original pour marquer l'arrivée aux oreilles des mélomanes d'un pianoforte organisé de John Joseph Merlin et William Gray, daté de 1784. A y regarder de plus près il constitue un travail très fouillé de la part de l'interprète Catherine Zimmer en matière de recherches et d'adaptations diverses pour un instrument assez insolite. Le mariage cordes tuyaux connu depuis la renaissance trouve ici une concrétisation heureuse permettant grâce à un instrument sophistiqué d'allier les deux suivant plusieurs ingénieuses commodités de nuances, de contraste et de toucher.

Le répertoire abordé est lui aussi très original et a été choisi parmi des compositeurs anglais et allemands. Le titre de l'album « A Bach et Abel Concert » attire l'attention sur Karl Friedrich Abel lié à la famille Bach par Johann Christian, installé en Angleterre. En 1765 à Londres au Hanover Square, fut créée la Bach-Abel Society que le facteur John Merlin fréquentait. Un musée d'instruments fut également créé. De nombreux concerts furent donnés où ces deux compositeurs ainsi que d'autres jouèrent ou dirigèrent leurs propres œuvres. On retrouve ici Abel dans une Sonate et les fils Bach dans des Variations et Sonate. Le disque débute par une œuvre de Joseph Haydn, The celebrated ouverture donnée à la Bach-Abel Society et adaptée pour le pianoforte. Quelques auteurs anglais parfois très peu connus rythment allègrement le programme et se placent harmonieusement dans un contexte musical original et idéal pour la mise en valeur du piano organisé.

L'artiste utilise à plein les possibilités du pianoforte qui offre trois couleurs distinctes avec « étouffoirs levés » et « una corda ». L'orgue lui, est un jeu de flute de 4 pieds (une octave plus haut que le jeu de cordes) et possède seulement 14 tuyaux, ce qui en fait un complément à l'instrument principal. Des tirants de registre permettent ces manipulations et choix de timbres. Le bruits liés à ces manœuvres mécaniques ont été conservées au montage du CD et conférent une authenticité sonore à ce spécimen rare et étonnement musical.

Catherine Zimmer, par sa grande connaissance des instruments anciens et des textes qui s'y rapportent nous offre un récital découverte de grande qualité. Son toucher au clavier est d'un grand raffinement, inspiré et rempli d'émotions diverses. Une fois de plus le disque s'avère un objet précieux, découvreur et pédagogue. Un bravo également à Quentin Blumenroeder pour la restauration exemplaire et respectueuse de ce joyau historique.