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Herbert Blomstedt à Munich : des psaumes et du drame

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Munich. Herkulessaal. 10-I-2025. Igor Stravinsky (1882-1971) : Symphonie de Psaumes ; Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1947) : Symphonie n° 2 op. 52 « Lobgesang »/ »Action de grâce ». Nikola Hillebrand, soprano ; Marie Henriette Reinhold, mezzo ; Tilman Lichdi, ténor. Chœur de la Radio Bavaroise ; Orchestre symphonique de la Radio bavaroise ; direction : Herbert Blomstedt.

Chez Mendelssohn comme chez Stravinsky, l'élévation spirituelle va de pair avec une interprétation étonnamment émotionnelle et dramatique, lorsque dirige l'Orchestre et le .

La musique sacrée de Stravinsky est rarement au programme, alors qu'elle comporte des trésors, notamment dans les dernières décennies de sa production. La Symphonie de psaumes en est sans doute l'élément le plus connu, mais on ne peut pas dire pour autant qu'elle encombre les programmes des salles de concert. n'a guère dirigé Stravinsky, sur scène comme au disque ; ce qu'il propose ici est bien différent des architectures rigoureuses et limpides auxquelles les interprétations de Pierre Boulez nous ont habitués. Dès le prélude du premier psaume, l'ambition expressive prend le dessus sur la machine rutilante de modernité qu'on y entend le plus souvent : moins d'arêtes saillantes, peut-être même un peu moins que nécessaire dans la fin recueillie du troisième psaume, mais une émotion intériorisée qui parle pour elle-même. Une fois de plus, Blomstedt nous sort de nos habitudes interprétatives ; et on peut penser que Stravinsky lui-même n'aurait pas détesté qu'on s'intéresse sérieusement au contenu spirituel de sa partition au-delà de sa vêture ultra-moderne.

Après l'entracte, Blomstedt retrouve la symphonie Lobgesang de Mendelssohn qu'il avait mis à son programme salzbourgeois il y a quelques mois, avec comme seul point commun le ténor , décidément un parfait ténor d'oratorio, dont l'air nocturne a une force dramatique irrésistible. Le chœur n'est pas le même, l'orchestre non plus, et même la perspective sur l'œuvre apparaît très différente, et plus convaincante que la plénitude sonore plus éthérée du Philharmonique de Vienne : ici, dès le mouvement symphonique initial, la tension dramatique est palpable, ce qui donne au chœur initial (Alles, was Odem hat…) une force supplémentaire, l'action de grâce ayant aussi la tonalité d'un cri appelant à l'aide. À Salzbourg, on pouvait admirer à loisir la beauté des timbres et la qualité des solistes ; à Munich, l'élan de la musique, le drame nous emportent plus sûrement que la splendeur orchestrale viennoise. L'Orchestre de la Radio bavaroise n'en mérite pour autant aucune critique : certes, on musarde moins dans les détails orchestraux, mais la présence saisissante des cordes, les textures admirables des vents sont ici pleinement au service de la partition et de sa puissante appréhension par le chef. Le , lui aussi, tutoie toujours les sommets : la masse sonore comme les allègements du son, la variété des textures de la transparence aux couleurs les plus sombres, sans oublier une précision à toute épreuve, tout cela fait de ce concert comme de beaucoup d'autres un bonheur en soi. On ne perd pas au change avec le remplacement de Christina Landshamer, qui ne nous avait guère convaincu à Salzbourg, par , en dernière minute, mais avec grand profit : la fraîcheur et la juvénilité de sa voix ne perdent rien même dans les moments les plus dramatiques, si bien qu'elle s'intègre parfaitement dans la perspective de Blomstedt.

Une salle de concert au bout du rouleau

Ce concert remarquable a eu un post-scriptum : le lendemain, le public munichois qui devait assister à la deuxième exécution de ce programme n'a pu entrer dans la salle. Rien à voir avec la santé du chef : c'est la technique de la salle qui a fait des siennes. Aménagée à la hâte dans une aile inoccupée de la Résidence après la destruction par les bombes d'une salle précédente en 1944, la Herkulessaal a la forme la plus classique de boîte à chaussures, avec des qualités acoustiques très honorables, mais des défauts qui font de chaque visite une épreuve : le temps qu'il faut pour faire sortir le public à l'entracte, puis à la fin du concert, n'en est qu'un exemple. Et voilà que la vétusté qu'il n'était pas difficile de pressentir apparaît au grand jour, l'annulation d'un concert met en évidence toute l'inconséquence de la politique culturelle bavaroise, dans un État de Bavière où la culture est pourtant présente dès l'article 3 de la constitution : la Philharmonie du Gasteig, construite en 1985, est fermée depuis 2021 alors que même le concept pour sa rénovation est loin d'être prêt, l'Isarphilharmonie qui la remplace pour une durée indéterminée n'est pas la réussite dont les politiciens bavarois se vantent ; quant à la future salle de concert moderne promise à Mariss Jansons pour la Radio Bavaroise, les palinodies de ces mêmes politiciens ne cessent d'en repousser la perspective. Quelle misère pour une région parmi les plus riches du monde !

Crédits photographiques : © BR/Severin Vogl

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Munich. Herkulessaal. 10-I-2025. Igor Stravinsky (1882-1971) : Symphonie de Psaumes ; Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1947) : Symphonie n° 2 op. 52 « Lobgesang »/ »Action de grâce ». Nikola Hillebrand, soprano ; Marie Henriette Reinhold, mezzo ; Tilman Lichdi, ténor. Chœur de la Radio Bavaroise ; Orchestre symphonique de la Radio bavaroise ; direction : Herbert Blomstedt.

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