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Helmut Lachenmann : vers une nouvelle écoute

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N°29. Helmut Lachenmann (né en 1935) : Allegretto sostenuto, pour clarinette, piano et violoncelle ; Notturno, concerto pour violoncelle et orchestre ; Mes adieux, trio à cordes n°2. Trio Catch : Boglárka Pecze, clarinettes, Yen-Ting Liu, violoncelle, Sun-Young Nam, piano ; Trio Recherche : Melise Mellinger, violon ; Geneviève Strosser, alto ; Āsa Ākerberg, violoncelle ; Karolina Öhman, violoncelle ; WDR Sinfonieorchester, Lin Liao, direction. 1 CD bastille musique. Enregistré au Studio Stolberger Strasse, à Cologne (1) ; à la Klaus-von-Bismarck Saal, WDR Funkhaus de Cologne (2) ; à l’Ensemblehaus de Freiburg (3). Notice de présentation en allemand et anglais ; Durée : 80:00

 

Plus de cinquante ans séparent les trois pièces du compositeur allemand à l'affiche du CD bastille musique n°29. S'y succèdent deux voire trois périodes créatrices du compositeur qui, toujours fidèle à ses objectifs, en ajuste constamment les moyens mis en œuvre.

Notturno (1966-1968) pour petit orchestre et violoncelle est la pièce la plus ancienne, invitant la violoncelliste aux côtés du WDR Sinfonieorchester de Cologne. Lachenmann l'écrit en deux temps, la partie soliste étant conçue après celle de l'orchestre. Avec Notturno, le compositeur aborde sa période dite « de musique concrète instrumentale » (faite de sonorités en grande partie « bruitistes » mais produites sur les instruments traditionnels), où l'écriture, explique-t-il, doit être « au service d'un réalisme sonore aussi concret et immédiat que possible ». Lachenmann s'intéresse au mode de production du son et à l'effort fourni par l'instrumentiste, mettant au défi la perception qu'il se propose de bousculer. C'est dans la partie médiane de la pièce que le violoncelle est véritablement entendu en soliste dans une cadence dont l'écriture anticipe l'emblématique Pression (pour violoncelle seul) composé l'année suivante : l'instrument y est « frappé » avec l'archet sur le bois (con legno gettato, saltando, etc.) ou laisse entendre de longues glissades vers l'aigu, des pizzicati d'harmoniques et des sons « perforés » par la pression de l'archet sur la corde : autant de variations restituées avec soin par . Au mitan de l'œuvre, la cymbale chinoise jouée avec un archet de contrebasse s'entend comme l'équivalent métaphorique de l'instrument à cordes. Lachenmann étend l'usage des modes de jeux à tout l'orchestre, y ajoutant le souffle (tonlos) qui enrichit sa palette. L'orchestre est sous la direction de , cernant de main de maître les contours nerveux autant que précis d'un discours protéiforme, entre figures sonores et instances bruitées.

« Je peux désormais mettre ma musique dans les mains des interprètes en toute confiance », confie le maître de Stuttgart au sujet de son trio pour clarinette, violoncelle et piano Allegro sostenuto dont le donnent ici une magistrale interprétation. La pièce écrite entre 1986 et 1988 aborde une troisième période dans la longue carrière de Lachenmann dont on fêtera les 90 ans en 2025. Le compositeur y distingue quatorze sections qui s'enchaînent, certaines portant des indications de tempo (Allegro I Feroce), d'autres de caractère (Con accuratezza), ou des titres (Quasi alla valzer). Elles confèrent à cette partition d'envergure son aspect narratif autant que kaléidoscopique où la musique de gestes s'articule avec une extrême précision. Le compositeur se concentre sur deux dimensions essentielles, le mouvement et la résonance. Soucieux de forme autant que de directionnalité, Lachenmann scinde l'œuvre en deux : Hymne, calmo, quasi feierlich au centre de l'œuvre en constitue l'axe vertical signalé par le piano-cloche et l'intervention de la clarinette jouant dans le piano. Le violoncelle détend sa IVᵉ corde à la fin tandis que la pianiste glisse chromatiquement dans les basses du clavier, pour une fin sereine et grave qui emprunte au figuralisme des anciens.

Mes Adieux – Trio à cordes n°2 est une des œuvres les plus récentes du compositeur (2021-2022), écrite pour le – Melise Mellinger (violon), Geneviève Strosser (alto) et Āsa Ākerberg, (violoncelle) – qui l'a créée en 2022 à Witten : œuvre du dernier Lachenmann (le titre est suffisamment explicite), qui reste camper sur ses positions : mettre l'énergie physique du son au centre de la perception musicale. Si le trio débute dans la plénitude « philharmonique » du son, bruissement et frottement réinstaurent assez vite la dimension bruitée. Lachenmann ménage au milieu de l'œuvre une longue période « Tonlos » (sans timbre) et ses infimes variations de grain, de dynamique et de rythmes, mettant à contribution le souffle et l'activité buccale des instrumentistes. Lachenmannienne également, est cette séquence pointilliste où pizzicati secs, chocs mats du bois de l'archet sur la corde relèvent de l'épure bruitiste dans un espace quasi silencieux. En revanche, la dernière séquence est jubilatoire, avec sa gamme de sons « perforés » et son bouquet de pizzicati qui bouclent la partition dans la clarté de la constellation sonore. On est bluffé par la virtuosité des archets et la palette de sons-bruits générés par nos trois interprètes dont on savoure la maîtrise très fine des techniques de jeu lachenmanniennes.

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