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Stuttgart. Opernhaus. 29-XII-2024 (matinée et soirée). Roméo et Juliette, ballet de John Cranko d’après Shakespeare. Chorégraphie et mise en scène : John Cranko ; décors et costumes : Jürgen Rose ; musique : Sergei Prokofiev. Avec Veronika Verterich/Agnes Su (Juliette), David Moore/Adhonay Soares da Silva (Roméo), Henrik Erikson/Matteo Miccini (Mercutio), Riccardo Ferlito/Dorian Plasse (Benvolio), Adrian Oldenburger/Martino Semenzato (Tybalt), Magdalena Dziegelewska (Nourrice), Daiana Ruiz (Lady Capulet)… Stuttgarter Ballett ; Staatsorchester Stuttgart ; direction : Nathanael Carré/Wolfgang Heinz.
Une double représentation dominicale permet d'admirer le début singulier de Veronika Verterich et un Mercutio d'exception, Henrik Erikson. Sans oublier une troupe toujours si investie.
Bien sûr, bien sûr, on l'a beaucoup vu, ce Roméo et Juliette de Prokofiev par John Cranko, à Stuttgart et dans les autres troupes allemandes qui le conservent également à leur répertoire ; chaque vision cependant, au-delà du charme renouvelé d'y découvrir de nouvelles distributions, rappelle les qualités éminentes qui en font le classique indémodable qu'il est, proprement patrimonial. Le revoilà donc en parfait ballet de fêtes, donné en une double représentation le dimanche entre Noël et Nouvel An.
L'après-midi est l'occasion des débuts de Veronika Verterich en Juliette aux côtés de l'inusable David Moore, tandis que le soir unit Agnes Su à Adhonay Soares da Silva, étoile désormais confirmée, mais toujours juvénile. Le jeu des comparaisons est une fois encore éclairant et démontre à quel point un tel classique laisse de la marge aux interprètes qui s'en saisissent. Agnes Su est une belle Juliette classique, aux lignes parfaites, romantique à souhait, ce qui ne l'empêche pas d'offrir dans la scène du poison un grand moment de théâtre dansé.
Veronika Verterich propose une interprétation très différente : elle construit un personnage moins aristocratique, plus mûr aussi dès sa première apparition avec sa nourrice, avec des émotions à fleur de peau, un regard auquel on ne peut se dérober. Cette Juliette qui sait ce qu'elle veut, qui ne se laisse pas manipuler, est d'une grande originalité, et si ceux qui l'ont vue n'oublieront jamais la puissance tragique d'Alicia Amatriain, la plus grande Juliette récente du Ballet de Stuttgart, on ne peut qu'être admiratif devant la capacité de Verterich à oser cette interprétation si personnelle. David Moore, qui a une longue expérience en Roméo, est cette fois, face à elle, un peu plus incarné, avec une forme d'ardeur et de fraîcheur qu'on ne lui voit pas toujours.
Le soir, Adhonay Soares da Silva fait montre d'une fluidité plus grande : une manière de conquérir la scène sans rien perdre de sa légèreté qui indique que le rôle est loin de le pousser dans ses derniers retranchements.
La représentation de la matinée est comme vampirisée par un autre danseur qui fait presque oublier les protagonistes : Mercutio est certes toujours un rôle gratifiant, mais lorsqu'Henrik Erikson entre en scène, on ne voit franchement plus que lui ; sa haute silhouette virevolte sans jamais oublier son humour, avec un jeu théâtral poussé à son paroxysme sans excès ni vulgarité. Il est drôle de bout en bout, et sa mort est d'autant plus bouleversante qu'elle est suivie de celle si opposée de Tybalt : Adrian Oldenburger en fait la mort d'un animal sauvage, d'une violence rarement atteinte.
Le ballet de Stuttgart se distingue à vrai dire toujours par sa haute ambition en matière de théâtre dansé, et ce Roméo est toujours une bonne occasion de le prouver ; cette fois, le niveau atteint est particulièrement élevé, comme le montre toute la scène de carnaval, comme l'incarne la véritable réinvention du rôle de la nourrice par Magdalena Dziegelewska, qu'on se surprend parfois à suivre du regard même quand elle n'est pas au premier plan de l'action : son visage mobile et son travail gestuel particulièrement accompli en font non seulement une vraie partenaire de jeu de Juliette jeune fille, le témoin investi du drame qui se développe mais aussi, pour le spectateur, un fructueux relais de l'émotion tragique.
Crédits photographiques : Roman Novitzy/Stuttgarter Ballett (1. Agnes Su, Adhonay Soares da Silva; 2. Veronika Verterich; 3. Henrik Erikson)
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Stuttgart. Opernhaus. 29-XII-2024 (matinée et soirée). Roméo et Juliette, ballet de John Cranko d’après Shakespeare. Chorégraphie et mise en scène : John Cranko ; décors et costumes : Jürgen Rose ; musique : Sergei Prokofiev. Avec Veronika Verterich/Agnes Su (Juliette), David Moore/Adhonay Soares da Silva (Roméo), Henrik Erikson/Matteo Miccini (Mercutio), Riccardo Ferlito/Dorian Plasse (Benvolio), Adrian Oldenburger/Martino Semenzato (Tybalt), Magdalena Dziegelewska (Nourrice), Daiana Ruiz (Lady Capulet)… Stuttgarter Ballett ; Staatsorchester Stuttgart ; direction : Nathanael Carré/Wolfgang Heinz.