Bach et Silbermann : deux familles en miroir par Louis-Noël Bestion de Camboulas

Que serait la musique de clavier sans les progrès de la facture instrumentale, dominée à l'époque de Johann Sebastian Bach par la dynastie des Silbermann ? C'est cette émulation entre compositeurs et facteurs qu'évoquent ici Louis-Noël Bestion de Camboulas et Les Surprises, dans une anthologie réunissant Johann Sebastian et deux de ses fils.

On sait que chez les Bach, la musique est une affaire de famille. Issu d'une dynastie de musiciens d'église, instruit par son frère aîné Johann Christoph, Johann Sebastian enseigna à son tour l'orgue à ses fils aînés, Wilhelm Friedemann et Carl Philipp Emanuel. Deux fils plus jeunes seront également musiciens : Johann Christian et Johann Christoph Friedrich. Et on n'oublie pas le Clavierbüchlein compilé par le Cantor pour sa deuxième épouse, Anna Magdalena. Parfait contemporain de Johann Sebastian, Gottfried Silbermann succède à son frère Andreas installé à Strasbourg, avant de retourner s'installer en Saxe. L'orgue de la cathédrale de Freiberg que l'on entend dans cet enregistrement est l'un de ses chefs d'œuvre, parfaitement conservé. Gottfried Silbermann construisait aussi des clavecins et, à partir des années 1730, des pianoforte, instrument nouveau que vont beaucoup utiliser Carl Philipp Emanuel et Wilhelm Friedemann Bach. Le pianoforte tiendra une place importante dans l'évolution de la composition des générations suivant celle de Johann Sebastian.

Le programme de cet enregistrement met en avant des œuvres que Johann Sebastian Bach a écrites pour ses fils et les met en miroir avec leurs propres pièces. Il est intéressant de voir l'évolution du style musical en parallèle à l'évolution de la facture instrumentale. Pour que l'illustration soit la plus complète possible, Louis-Noël Bestion de Camboulas a fait appel au baryton Marc Mauillon pour évoquer l'accompagnement des chorals au clavecin et les comparer aux airs de Carl Philipp Emanuel accompagnés au piano. Il a également choisi de jouer la sonate en trio en ré mineur avec deux violons et basse continue. Quant au Ricercar à 3 de L'Offrande Musicale qui conclut le programme, c'est au pianoforte qu'il nous est proposé, pour rappeler le goût de Frederic II pour cet instrument nouveau. Un Duet de Carl Philipp Emanuel Bach nous fait entendre l'étonnant mélange du clavecin et du piano, avec la complicité de Clément Geoffroy.

Quelque soit le clavier utilisé, le plus passionnant dans ce programme est l'allant de Louis-Noël Bestion de Camboulas qui nous avait déjà prouvé son éclectisme au pianoforte dans son récent disque Mozart. Il faut l'entendre à l'orgue de Freiberg sculpter la fugue de la Fantaisie et fugue en do mineur : le plein-jeu de cet instrument est un véritable orchestre, somptueux. Rappelons que Louis-Noël Bestion de Camboulas a remporté le Premier prix du Concours international Gottfried Silbermann de Freiberg en 2011 sur ce même orgue. Quant à l'Allegro de la Sonate en trio en sol majeur, c'est du champagne ! Dans la Fantaisie en do mineur BWV 906, le clavecin scintille de mille feux.

Que ce disque qui évoque les dynasties Bach et Silbermann soit enfin l'occasion de porter un toast à la famille Bestion de Camboulas et aux quatre frères de Louis-Noël qui sont tous des musiciens remarquables !