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Rita Strohl : second volume-découverte d’une compositrice de la démesure

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Rita Strohl (1865-1941) : Grande fantaisie-quintette pour piano, deux violons, alto et violoncelle ; septuor en ut mineur pour 2 violons, 2 altos, violoncelle, contrebasse et piano ; trio pour piano, violoncelle et clarinette; quatuor pour violon, alto, violoncelle et piano ; trio n°1 en sol mineur pour piano, violon et violoncelle ; trio n°2 en ré mineur pour violon, violoncelle et piano ; rêverie pour piano et violoncelle ; quatuor à cordes pour 2 violons, alto et violoncelle ; musiques sur l’eau. Raphaëlle Moreau, Shuichi Okada, Alexandre Pascal, violons ; Léa Hennino, Claudine Legras, altos ; Héloïse Luzzati, Edgar Moreau, Aurélien Pascal, violoncelles ; Lorraine Campet, contrebasse ; Nicolas Baldeyrou, clarinette; Célia Oneto Bensaid, Tanguy de Williencourt, pianos ; quatuor Dutilleux. 3 CDs La Boîte à Pépites. Enregistrés en mai, octobre et novembre 2023 à la Maison de l’Orchestre national d’Île-de-France. Livret de présentation en français-anglais. Durée totale : 3:21:00

 

Le deuxième des trois volumes consacré à la musique de chambre de tient les promesses du premier volet (Clef d'Or ResMusica), avec des oeuvres de jeunesse qui possèdent néanmoins des caractéristiques tout à fait personnelles.

Un cadre chronologique rapide permet de situer dans le temps la production chambriste de : née en 1865, elle écrit à 19 ans son premier trio, en 1885 un quatuor à cordes, en 1886 un quintette pour piano, en 1888 son deuxième trio, en 1890 son septuor, en 1891 un quatuor avec piano ; en 1892 une « sonate dramatique » pour violoncelle et piano, une sonate pour piano et violoncelle ou alto (perdue ?). Entre 1895 et 1898, deux sonates pour violon et piano, elles aussi sans doute perdues ; en 1897 une petite pièce pour violoncelle et piano, « Solitude », suivie l'année suivante d'un troisième trio pour clarinette, piano et violoncelle. C'en sera alors fini pour elle avec la musique de chambre. Elle passera à ce moment-là à la mélodie et au symphonique. Donc une activité régulière sans être abondante entre ses 19 ans et ses 33 ans. Avec le recul historique que nous avons, on se demandera comment trouver une voie originale quand on est française et compositrice dans une période marquée par la fin du romantisme et le début de l'ère moderne, les figures écrasantes de Wagner (que le deuxième mari de adulait) et du controversé Debussy.

De son propre aveu, la compositrice dit qu'à cette période de sa vie elle ne savait rien de son époque et restait plongée dans le passé. Néanmoins, il est permis de faire plusieurs remarques. La première est que les formations instrumentales utilisées sont loin d'être banales : un quatuor et un quintette avec piano, un septuor avec contrebasse, un trio avec clarinette. En outre, comme elle est une pianiste accomplie, ce piano y tient un rôle majeur par sa présence, soit expose les thèmes, soit les développe ou se combine avec les autres instruments mais passe rarement au second plan, donnant par là une allure fortement symphonique, dotée de puissants unissons assez inédits dans le genre, et fait penser par moments à une sorte de concerto désorchestré.

D'autre part, dans une majorité d'œuvres, la compositrice développe des séries de variations élaborées, démontrant ainsi une imagination sans limites. Enfin, des fugues et des scherzos où transparaissent les ombres de Bach et de Mendelssohn la rattachent à une tradition assumée mais non soumise.

Dans ce parcours presque complet de la musique de chambre de Rita Strohl publié par La Boîte à Pépites et les éditions du Palazzetto Bru Zane, que viennent faire les Musiques sur l'eau pour piano seul proposées à la fin du troisième disque ? Il s'agit en fait de montrer la rupture stylistique qui s'est produite à l'issue de cette double décennie chambriste et qui sera présentée dans le troisième volume consacré à la musique symphonique. Faites écouter à l'aveugle ces Jeux de naïades, cette Barcarolle et cet Orage qui s'enchaînent sous les doigts si expressifs et alertes de . Vers qui vous dirigera votre oreille ? Un peu de… un soupçon de…, oui, mais surtout beaucoup de Rita Strohl, méconnaissable ici, surprenante et résolument moderne, parfaitement originale et créative.

En conclusion, le choix d'interprètes jeunes qui ne considèrent par la musique de chambre comme une arène de têtes d'affiches qui cherchent à se voler la vedette mais savent dialoguer en permanence (la construction musicale de Rita Strohl les obligeant de toute manière à cette échange artistique), leur choix stylistique en faveur de la personnalité propre de l'auteur, leurs sonorités pleines et leurs couleurs franches, reflets des œuvres qu'ils servent et non pas dont ils se servent, démontrent tout au long de ce copieux coffret l'excellence de la production et de la réalisation acoustique de ce projet dirigé par Héloïse Luzzatti. Les textes, les dessins, la réalisation de ce livre-disque sont tout aussi remarquables. Il conviendra désormais de faire figurer Rita Strohl dans les futures entrées des dictionnaires de la musique.

Lire aussi :

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Rita Strohl (1865-1941) : Grande fantaisie-quintette pour piano, deux violons, alto et violoncelle ; septuor en ut mineur pour 2 violons, 2 altos, violoncelle, contrebasse et piano ; trio pour piano, violoncelle et clarinette; quatuor pour violon, alto, violoncelle et piano ; trio n°1 en sol mineur pour piano, violon et violoncelle ; trio n°2 en ré mineur pour violon, violoncelle et piano ; rêverie pour piano et violoncelle ; quatuor à cordes pour 2 violons, alto et violoncelle ; musiques sur l’eau. Raphaëlle Moreau, Shuichi Okada, Alexandre Pascal, violons ; Léa Hennino, Claudine Legras, altos ; Héloïse Luzzati, Edgar Moreau, Aurélien Pascal, violoncelles ; Lorraine Campet, contrebasse ; Nicolas Baldeyrou, clarinette; Célia Oneto Bensaid, Tanguy de Williencourt, pianos ; quatuor Dutilleux. 3 CDs La Boîte à Pépites. Enregistrés en mai, octobre et novembre 2023 à la Maison de l’Orchestre national d’Île-de-France. Livret de présentation en français-anglais. Durée totale : 3:21:00

 
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