Audio, Musique symphonique, Parutions

Déceptions schubertiennes sous la baguette de Maxim Emelyanychev

Plus de détails

Franz Schubert (1797-1828) : Symphonies n° 5 D. 485 et n° 8 D. 759. Rondo D. 438. Stéphanie Gonley, violon ; Orchestre de chambre d’Ecosse, Maxim Emelyanychev, direction. 1 CD Linn records. Enregistré au Caird Hall de Dundee, Grande-Bretagne, en mai 2023. Notice de présentation en anglais, français et allemand. Durée : 60:08

 

Pour ce nouvel album consacré à Schubert, notre déception est à la mesure du plaisir que nous avions ressenti en écoutant la Symphonie “La Grande” par les mêmes interprètes. Que s'est-il passé entretemps ?

La petite harmonie atone dès les premières mesures de la Symphonie n° 5, les coups de projecteurs artificiels sur les dynamiques et les contrastes en général ne laissent rien présager de bon. Cette partition de 1816 exprime autant un sentiment de liberté que de sérénité. Son classicisme viennois, son “héritage” direct avec Mozart et Haydn incitent à multiplier les contrastes, à imaginer des couleurs tout en maintenant une carrure. Au lieu de cela, l'interprétation s'enferme dans l'indécision, sans véritable goût pour approfondir la matière sonore, sans conviction précise, sans revendiquer un choix esthétique : soit aller vers les univers de l'Orchestre de chambre d'Europe, de l'Orchestre de chambre de Suède, d'Anima Eterna ou bien renouer avec les lectures d'orchestres symphoniques « traditionnels ». Le résultat est bien propre, mais entre deux eaux, sans la « porte ouverte » vers le premier génie romantique, comparable aux symphonies pour cordes de Mendelssohn. L'Andante con moto, par exemple, est d'une passivité incompréhensible alors que le Menuet bien pressé se révèle inconsistant. L'urgence serait un gage de « remplissage » alors que la Symphonie n° 40 de Mozart guide encore la plume de Schubert… Le finale est en revanche sans baisses de tension, mais la réduction drastique des pupitres, cette mode qui a bien trop duré, n'allège nullement le son : elle le rend étriqué. De fait, tout s'évacue rapidement avec des fins de phrases qui ne chantent plus.

Plus problématique encore est la Symphonie “Inachevée”. Le premier mouvement, totalement apathique, se déroule sans mystère, sans l'élan d'une marche inexorable dont le crescendo est immédiatement atteint. Tout est dit et on s'ennuie ferme car rien ne semble porté par une idée forte. Comme si Végh, Dausgaard, Mackerras, sans parler des Giulini, Krips, Blomstedt, Kleiber ou du génial Cantelli dans l'une de ses rares gravures en stéréophonie, comme si aucun de ces chefs n'avaient jamais donné quelques inspirations… L'interprétation devient décorative, sans enjeu, en mode « extinction », ce qui est le cas du second mouvement qui, en effet, s'éteint à partir de 4'30''. Incompréhensible.

Soliste nullement virtuose, Schubert délaissa la composition de pièces concertantes. C'est ainsi que l'on ne dispose que de trois partitions pour violon et orchestre, rarement données. Ce sont pourtant des morceaux charmants que ce Konzertstück D.345, la Polonaise D.580 ainsi que le présent Rondo D.438. Datée de juin 1816 – Schubert était âgé de 19 ans – la pièce s'inspire autant de l'écriture de Mozart que du style Biedermeier. Il s'agit d'une fantaisie, d'un divertissement destiné, à l'origine, à un quintette à cordes et un violon solo. Si l'ensemble à cordes fait preuve d'une certaine solennité dans les premières mesures, elle disparaît lorsque le violon prend la parole pour ne plus la quitter. Kremer à deux reprises (avec Tchakarov et seul à la direction) ainsi qu'Andreas Janke avec David Zinman en ont donné de belles lectures. Premier violon de l'Orchestre de chambre d'Ecosse, joue avec beaucoup de finesse, faisant chanter son archet dans un univers chambriste sans prétention. C'est bien la seule pleine satisfaction de ce disque.

Lire aussi :

Maxim Emelyanychev dans deux symphonies majeures de Mendelssohn

 

(Visited 319 times, 64 visits today)

Plus de détails

Franz Schubert (1797-1828) : Symphonies n° 5 D. 485 et n° 8 D. 759. Rondo D. 438. Stéphanie Gonley, violon ; Orchestre de chambre d’Ecosse, Maxim Emelyanychev, direction. 1 CD Linn records. Enregistré au Caird Hall de Dundee, Grande-Bretagne, en mai 2023. Notice de présentation en anglais, français et allemand. Durée : 60:08

 
Mots-clefs de cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.