La Reine des Neiges à Paris : un ballet tout feu tout flamme

Prévue en décembre 2022 au Théâtre des Champs-Élysées, la version dansée du conte d'Andersen La Reine des neiges par le Ballet National d'Ukraine n'avait pu être donnée en raison de la guerre avec la Russie. La difficulté de monter cette production avait amené à présenter Giselle, plus facile à préparer rapidement.

Le conte originel, écrit en 1844, a donné lieu à nombre d'adaptations (en film, en dessins animés, etc.) et c'est Aniko Rekhviashvili, diplômée de l'Académie nationale de danse d'Ukraine, qui offre à la troupe en 2016 une version chorégraphique. Le synopsis en est nécessairement allégé pour permettre une plus grande lisibilité de l'action par rapport au conte. Toutefois, il faut avouer que toute la dramaturgie est impeccablement pensée, sans temps mort et donnant une réelle intention à chacun des personnages. Point de propos inutiles, la conception du livret vise à une clarté remarquable, ce qui est d'autant plus louable que l'histoire ne bénéficie pas de la renommée d'un conte plus connu tel que La Belle au Bois Dormant et que les personnages sont contrastés (les mauvaises intentions de personnages malfaisants ont leurs propres ambivalences et ne sont pas nécessairement manichéennes), ce qui n'est jamais aisé à retranscrire en langage dansé.

La chorégraphie est relativement évolutive. Elle est particulièrement axée sur une narration avec de la pantomime dans le premier tableau pour laisser place à de la danse pure pratiquement décorative (on retrouve un tableau de jardin animé comme dans Le Corsaire) avec l'assemblage habituel des pas de deux et leur succession d'adage, de variations et de codas superlatives. L'intelligence de l'assemblage musical accompagne efficacement les combinaisons de pas, d'autant plus que la plupart des pièces musicales sont connues de façon populaire (Peer Gynt de Grieg ou bien Sang Viennois de Strauss par exemple). Mais il faut reconnaître également l'originalité de faire entendre de larges pages d'Augusta Holmès dont la flamboyance symphonique permet de conclure triomphalement le ballet.

Les Étoiles et le Corps de ballet de l'Opéra National d'Ukraine proposent deux distributions se partageant les dix-sept dates. Iryna Borysova incarne la Reine des neiges. Avec son visage au teint parfait et la froideur de son expression, elle se fait l'écho d'une Myrtha glaçante dont seule la satisfaction personnelle importe. La danseuse tire un grand profit dans les moments lyriques des très belles lignes de son physique. Yaroslav Tkachuk est un viril Kai, plein de fougue et très virtuose. Il y a une sorte d'évidence propre à la façon dont les danseurs des pays d'Europe de l'Est existent sur scène, sans affèterie et non sans grâce pour autant. Tetiana Lozova en Gerda est extrêmement touchante. Son rôle lui fait traverser des épreuves pour retrouver son ami Kai et l'on perçoit la finesse d'interprétation de la danseuse qui fait passer Gerda d'un état d'enfant à celui d'une jeune femme dont les sentiments amoureux éclosent et sont le moteur de son courage à affronter les dangers.

Enfin, un très beau complément à cette soirée de danse est la présence de l'Orchestre Prométhée qui officie dans la fosse. Assurant avec chaleur et limpidité les différentes ambiances des pages orchestrales, Sergii Golubnychyi permet à ses musiciens d'être le soutien efficace aux danseurs sur le plateau.

Dans ce contexte toujours particulier d'une troupe nationale se produisant comme invitée dans le théâtre qui accueillit il y a un siècle les Ballets Russes, la Reine des Neiges est un ballet s'adressant à tous les publics et prouvant la vitalité d'une troupe engagée.

Crédit photographique : © Ksenia Orlova

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