Hugues Dufourt piano solo

L'occasion de se familiariser avec un compositeur réputé austère, dont tout un pan de la création était méconnu jusqu'à ce jour.

Un coffret de 2 CD remarquable puisqu'il s'agit de la première édition complète des pièces pour piano d'Hugues Dufour et qu'il réunit huit jeunes pianistes internationaux qui se sont croisés à Strasbourg et ont travaillé avec Amy Lin.

L'occasion de se familiariser avec un compositeur réputé austère, dont tout un pan de la création était méconnu jusqu'à ce jour.

Tombeau de Debussy (2018) est le fruit d'une commande lancée à l'occasion du centenaire de la mort du compositeur. Hugues Dufourt s'est inspiré de son opéra inachevé La Chute de la pension Usher (1908-1917, d'après la nouvelle d'Edgar Allan Poe), dont il reproduit pour le piano seul, joué ici par Valentin Mansard, tout le climat de mystère. Pour ce faire, il donne beaucoup de place au silence, lançant et faisant se répéter de maigres motifs très aérés et parfois arpégés, lesquels s'arrêtent brusquement sur des accords serrés ou bien s'épuisent sur une dernière note tenue, comme le feraient des questions sans réponses et donc plutôt inquiètes.

Kotoko Matsuda s'empare de l'âpre Reine Spannung (2015), qui doit son titre au début d'un vers de l'un des Sonnets à Orphée de Rainer Maria Rilke : « Reine Spannung. O Musik der Kräfte ! (Ô tension pure ! Ô toi, musique des forces ! »). C'est effectivement tout d'abord à un combat que l'on assiste ici, entre deux motifs saccadés s'interrompant sur une note longuement tenue. Cette opposition varie soit dans le prolongement du motif qui engendre lui-même, soit dans le placage d'accords. Apaisement dans un deuxième temps, où se succèdent de petits agrégats toujours tenus et comme suspendus, avant que ne reprenne l'affrontement en troisième partie de cette pièce.

Ainsi, toutes les œuvres du coffret se réfèrent à des artistes : des musiciens et les écrivains associés – Debussy encore dans Vent d'automne (2011), Schubert / Goethe dans An Schwager Kronos (1994), Meeresstille (1997), Rastlose Liebe (2000) et Erlkönig (2006) ; Chopin avec texte du peintre Tal Coat dans La ligne gravissant la chute (2007) – ou directement un peintre : Jean-Baptiste Siméon Chardin dans La Fontaine de cuivre d'après Chardin (2013). Mais force est de constater qu'une unité de ton lie l'ensemble des morceaux, une sorte de puissance explosive mais comme tronquée ou inachevée, ramassée dans des élans stoppés net, une rythmique iambique particulièrement insistante, des successions rapides souvent d'arpèges ou d'intervalles répétés obstinément, à l'identique ou peu variés, une alternance de conflits et d'apaisements… En résumé, une esthétique de la fracture ou d'une économie de l'énergie entre, d'un côté, l'âpreté d'une percussion fulgurante, et, de l'autre, comme en commentaire, le statisme de plages suspendues entretenant la résonance.