Noël de traditions avec l’Orchestre National de Bretagne

Dans un programme Traditions ! illuminé par le timbre de la mezzo-soprano Julie Boulianne, l'Orchestre National de Bretagne fête Nöel sous la baguette de la cheffe Anna Duczmal-Mróz.

Repris sept soirs de Trébeurden à Lorient, le programme Traditions ! de l'Orchestre National de Bretagne est donné deux fois à l'Opéra de Rennes. Avec cinq compositeurs nés dans le dernier quart du XIX^e siècle et deux compositrices modernes, ce concert met en regard les thèmes populaires de sept pays et régions, et nous fait profiter surtout de l'artiste en résidence cette saison à l'orchestre, la mezzo-soprano québécoise Julie Boulianne.

Abordée très lentement, l'Ouverture sur des Thèmes Juifs, op.34 de Prokofiev résonne avec froideur sous la baguette de la cheffe polonaise Anna Duczmal-Mróz, dont les mouvements des bras, assortis de haussements d'épaules réguliers pour accompagner le rythme ne suffisent pas à donner du souffle à l'ouvrage. Les deux Chants d'Auvergne de Canteloube permettent ensuite d'entendre déjà la mezzo, présente pour cinq pièces jusqu'à la fin de la soirée. Elle interviendra plus tard dans la soirée pour expliquer dans un court discours qu'il lui a fallu beaucoup travailler la prononciation bretonne d'Ar Wezenn. Mais pour sa première intervention, on regrette justement que la diction du célèbre Baïlèro et de Chut, chut soit perfectible, malgré le timbre superbement coloré de la voix.

Les Cinq mélodies populaires grecques de Ravel appellent les mêmes remarques, où la personnalité du timbre fait penser parfois aux plus grandes chanteuses du siècle passé, mais sans que la prononciation du texte ne permette de comprendre beaucoup de mots, et donc empêche de percevoir le sens des textes traduits du grec par un ami du compositeur, Michel Dimitri Calvocoressi. Quelques secondes après ces chants, la cheffe annonce qu'en tant que slave, les Six danses populaires roumaines de Bartók lui tiennent particulièrement à cœur, et qu'elle les interprétera donc avant l'entracte plutôt qu'après. Comme dans l'ouverture de Prokofiev, bien plus de fluidité aurait été appréciable pour véritablement ressentir la sensation de danse, de cette interprétation que seul le solo du piccolo et celui idéalement grinçant du premier violon parviennent à rehausser.

En seconde partie, Julie Boulianne revient en compagnie du flûtiste solo Eric Bescond devant l'orchestre pour une création de la compositrice Barbara Assiginaak. Titrée Sasakawa, l'œuvre permet encore de profiter du timbre plein de couleurs de la mezzo, tandis qu'Éric Bescond tient une partie parfois mélodieuse, ou cherche à d'autres moments à reproduire le bruit du vent avec son instrument. Le court chant breton déjà cité, Ar Wezenn, orchestré pour ces concerts par Frédérique Lory – présente dans la salle – suit de manière superbement touchante, car abordé avec une grande sensibilité par Julie Boulianne.

Dernière œuvre de la soirée, El amor brujo (L'Amour Sorcier) de Manuel de Falla redonne la première place aux musiciens bretons qui, là encore, auraient besoin de plus de flamme et de magie dans la baguette polonaise pour parvenir à s'embraser un peu. Du rythme à nouveau très lent, ne ressortent alors que la trompette solo et le premier cor ainsi que la voix de Julie Boulianne pendant les quatre morceaux chantés, sauf étonnamment dans la Danza ritual, où la gestuelle enfin plus mobile et plus libre d'Anna Duczmal-Mróz enflamme l'ensemble.

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