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Le Sang du glacier : un opéra lanceur d’alerte à Lyon

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Lyon. Théâtre du Point du Jour. 12-XII-2024. Claire-Mélanie Sinnhuber (née en 1973) : Le Sang du glacier, opéra en un acte sur un livret de Lucie Vérot Solaure. Mise en scène : Angélique Clairand. Décor : Stephane Zimmerli. Costumes : Mathieu Trappler. Lumière : Yoann Tivoli. Avec : Charlotte Bonzi , soprano (Sophia) ; Mathieu Dubroca, baryton (Matteo/le Père). Accordéon : Mélanie Brégant ; Harpe : Rose Pollier Méliodon ; Violoncelle : Lilia Beauchard

Tout le monde connaît aujourd'hui la dangerosité des algues vertes bretonnes. Mais quid des algues rouges ? C'est un opéra qui, le premier, nous alerte sur ce phénomène alarmant que les scientifiques ont surnommé le sang des glaciers.

Le spectateur insouciant qui pénètre dans le Théâtre du Point du Jour en pensant que le terme Le Sang du glacier est une invention de librettiste (en l'occurrence Lucie Vérot Solaure) destiné à frapper son imagination en ressort avec une charge mentale supplémentaire : il aura fait connaissance avec la funeste Sanguina nivaloides, microalgue verte encore méconnue, se mettant, l'été venu, et sous l'action du réchauffement climatique, à passer au rouge à l'œil nu sur certains glaciers, entraînant dans la foulée quelques dérèglements quant à la potabilité de l'eau. C'est le premier intérêt de cette commande de l'Opéra de Lyon.

Le second est la mise en scène d' dans la scénographie de Stephan Zimmerli. On avait beaucoup aimé le lumineux Peer Gynt de la première. On est séduit par le décor obsessionnel du second, celui d'un laboratoire quadrillé du sol aux murs comme un papier millimétré. C'est là que vit en quasi-recluse Sofia (la sagesse ?), ingénieure hydraulique et bête de travail, écartelée entre les soubresauts écologiques de la planète et ceux de sa propre histoire familiale. Le cadavre de son père, alpiniste jusqu'au-boutiste, englouti par un glacier quelques années en amont, vient d'être rejeté par la fonte accélérée d'un glacier : comme c'est l'usage en pareil cas, l'homme a quasiment la même apparence que son fils Matteo, second personnage de l'opéra, enfant de la balle à sa façon puisqu'il exerce le métier de… glaciologue. Le Sang du glacier, qui a aussi bénéficié des conseils du scientifique Mathieu Gautier, est le duo d'une sœur et d'un frère entre deux deuils : celui d'un paysage mutant, celui d'un père naguère davantage passionné par la montagne que par sa progéniture. Ce slalom entre grande et petite histoire est le bel atout du livret.


Le troisième intérêt est bien sûr la musique. Même hors les murs, la création d'un opéra est un évènement. Lorsqu'on pénètre dans la salle du Théâtre du Point du Jour, la musique a déjà commencé, comme dans Einstein on the beach  : dans un halo de lumière la harpe s'échauffe, rejointe plus loin par le violoncelle, puis, juste avant le top de la représentation, par l'accordéon. Les trois instrumentistes sont placées derrière le mur du laboratoire, jamais oubliées par les savants éclairages de Yoann Tivoli. Les solistes occupent l'avant-scène, le personnage du Frère étant seul autorisé à jouer les passe-muraille au moment où il s'agit de faire revivre le personnage du Père emmuré dans son glacier. La comparaison avec Einstein on the beach s'arrête là : naviguant entre la tentation de l'expérimental, et le lâcher-prise de la séduction mélodique, la partition de Claire-Mélanie Sinnhuber, comme l'algue funeste dont elle décrit l'emprise, s'insinue dans le scénario, pour parvenir, vers la fin (la comptine valsée des habitants de la vallée), à effacer l'impression première d'une sécheresse toute  intellectuelle  au profit de celle d'un ludisme décomplexé.


Très investi, le duo de chanteurs participe de cette libération, donnant même le sentiment qu'il s'agit là d'une musique facile. La soprano , fugacement sollicitée vers l'aigu (elle fut l'été dernier une bien convaincante Reine de la Nuit), toute d'énergie juvénile, s'accorde particulièrement bien avec le baryton noblement timbré de . L'un comme l'autre s'avérant de surcroît toujours audibles et compréhensibles, Le Sang du glacier se passe aisément de surtitres.

Le glacier du titre n'est pas loin de leur damer le pion en terme de magnétisme : enchâssé comme dans un écrin dans une sorte d'aquarium côté cour, c'est vers lui que le regard est souvent tenté de se diriger jusqu'au final. A la fin, lorsque les cendres du père sont dispersées sur sa surface sanglante, il retrouve sa pureté immaculée. Une conclusion apaisante, qu' a la clairvoyance de nuancer au moyen du codicille d'une ultime image destinée à ne pas renvoyer le spectateur à son quotidien sans l'avoir lesté de quelques questionnements.

Opéra prenant à bras le corps un sujet contemporain, Le Sang du glacier ne va pas manquer de déclencher de nourrissants dialogues lorsqu'il se délocalisera (à l'identique, assure sa metteuse en scène) entre collège et Conservatoire, avant de prendre la route, entre Rhône et Saint-Gothard, en camion-opéra. En route !

Crédits photographiques : © Jean-Louis Fernandez

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Lyon. Théâtre du Point du Jour. 12-XII-2024. Claire-Mélanie Sinnhuber (née en 1973) : Le Sang du glacier, opéra en un acte sur un livret de Lucie Vérot Solaure. Mise en scène : Angélique Clairand. Décor : Stephane Zimmerli. Costumes : Mathieu Trappler. Lumière : Yoann Tivoli. Avec : Charlotte Bonzi , soprano (Sophia) ; Mathieu Dubroca, baryton (Matteo/le Père). Accordéon : Mélanie Brégant ; Harpe : Rose Pollier Méliodon ; Violoncelle : Lilia Beauchard

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