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Failles dans le marbre : l’Antiquité grecque à l’opéra selon Hélène Pierrakos

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Failles dans le marbre, un voyage en musique vers l’Antiquité grecque. Hélène Pierrakos. Editions Premières Loges. 133 pages. 16 €. Juillet 2024.

 

C'est à travers une forte identité de style d'écriture, empreinte autant d'une poésie sensible que d'une érudition manifeste, que l'autrice de Failles dans le marbre – Un voyage en musique vers l'Antiquité grecque, Hélène Pierrakos, dépeint avec singularité l'Antiquité grecque mise en musique. 

L'essence même de la démarche de cet excellent essai, est résumée par Hélène Pierrakos elle-même : « La musique est un territoire d'étrangeté, son message est fugitif par nature, sa signification toujours hypothétique, son interprétation sujette à d'infinies variations. » Alors que la thématique choisie du traitement en musique de l'Antiquité grecque est largement rebattue dans le monde de la musicologie, le sujet pouvant même être celui d'une dissertation pour l'obtention du concours de l'agrégation voire du Capes, l'autrice y apporte un regard étonnant par son approche nouvelle et originale. Preuve en est avec la quasi-absence de notes de bas de page ou de références passées, en cohérence avec le regard unique de cet ouvrage.

Thématique choisie en lien avec ses origines, Hélène Pierrakos apporte un vrai regard de musicologue, fin et sensible tout autant que savant, à l'inverse pourtant de ce qu'elle affirme en épilogue (« … la tentation toujours vivace de laisser l'érudition aux érudits, de me laisser inspirer par le parfum de la musique »), prouvant par ces 133 pages que la connaissance n'est pas antinomique avec la délicatesse d'un ressenti.

Même si Hélène Pierrakos s'aventure dans le monde des madrigaux et des lieder, particulièrement dans le chapitre « Une jeunesse du monde » (Chapitre 3), c'est bien l'univers de l'opéra qui prédomine, l'organisation chronologique de l'analyse offrant une brève histoire de la musique à travers la conception hellénique des compositeurs. Le premier chapitre « Une écoute grecque de Monteverdi » est ainsi principalement consacré à L'Orfeo et Le Retour d'Ulysse dans sa patrie, l'Antiquité grecque étant l'allié principal de la naissance de l'opéra. « L'esprit de la danse » (Chapitre 2) est dédié à Gluck, notamment par le biais des mises en scène chorégraphiques de Pina Bausch. Richard Strauss va « De la sidération à la métamorphose » (Chapitre 4), alors que les transcriptions debussystes de « Paysages » agrémentent cette analyse musicale rédigée sous l'angle d'un auditeur plus que d'un chercheur ou d'un professionnel de la musique, tandis que , « Visages d'Apollon » (Chapitre 6), conclut le texte.

C'est pourtant aux professionnels et aux amateurs éclairés que cet essai sera le plus profitable, le travail d'Hélène Pierrakos pouvant assurément servir de fondement à un nouveau regard d'interprétation ou de mises en scène. La lecture exigeante et touffue fait découvrir une approche pleine d'intelligence et de finesse, à l'image de celle du Lamento della Ninfa du madrigal de Monteverdi (p.35-36) ou de l'explication du « syllabaire primitif » d'Electre de Strauss, soit deux secondes et trois notes ! (p. 85-86) L'acuité du regard se retrouve également dans la lecture du lied de Wolf Ganymed où le compositeur « signale avec une merveilleuse subtilité la vanité du désir plutôt que l'exaltation ».

L'autrice se base parfois sur des sources de première main pour obtenir la clé de compréhension (Lettre sur Ariane d'Hofmannsthal à Strauss), sur des analyses musicales solides à l'image de celle faite sur le chant choral de Strauss mis en parallèle avec la conscience de Daphné (p.108), ou encore fait référence à des mises en scène contemporaines telle que celle d'Idomeneo à Munich en juillet 2021. Malgré son fil conducteur, Hélène Pierrakos laisse, avec mesure, la dimension grecque au second plan (les Chansons de Bilitis, triptyque debussyste inspiré de poèmes prétendument grecs), en faveur d'autres thèmes secondaires comme la Nature avec Orphée et Eurydice. L'art de la composition est retracé à merveille, particulièrement pour Schubert (p.80), la conception des opéras évoqués devenant presque sacrée (sans connotation religieuse) tellement l'analyse est élaborée, avec par exemple la « rythmicité secrète » de Gluck (p.48). C'est même un écho surnaturel entre lui et Mozart que l'autrice met en exergue en reliant Idomeneo à Iphigénie en Tauride (p. 56).

Mention spéciale, s'il en fallait une, à la qualité du prologue explicitant le titre Failles dans le marbre dont on laisse le futur lecteur se délecter avec gourmandise.

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Failles dans le marbre, un voyage en musique vers l’Antiquité grecque. Hélène Pierrakos. Editions Premières Loges. 133 pages. 16 €. Juillet 2024.

 
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