Conçu pour le pavillon libanais de la 57ᵉ Biennale d'art de Venise en 2017, ŠamaŠ, l'installation visuelle et sonore du compositeur et plasticien libanais Zad Moultaka, est accueillie dans les murs de l'Institut du monde arable, du 10 décembre au 12 avril.
ŠamaŠ remonte aux sources de la cité sumérienne et interroge les cycles de violence qui traversent l'histoire ancienne et contemporaine du Proche et Moyen-Orient. Dans l'antique cité, ŠamaŠ est le dieu du soleil et de la justice qui figure au sommet de la stèle d'Hammurabi que l'on peut admirer au Louvre. Entre grandeur passée et violence répétée, Moultaka fait ériger au centre de l'espace un réacteur de bombardier – un Rolls Royce Avon Mk 209 de 1950 très impressionnant – rappelant l'obélisque monumental de basalte noir et dont les détonations viennent, à un moment donné, ébranler l'espace de résonance autant que les consciences. Avec les forces de l'Ircam, Moultaka a échantillonné le bruit de réacteur de cette arme de destruction et transfiguré son vrombissement en une fréquence incantatoire, voix céleste qui plane au-dessus de nos têtes, tout à la fois menace et réconfort. Amené peu à peu à la lumière, le mur du fond, travaillé à la feuille d'or, compose une sorte de mosaïque géante – réincarnation du Veau d'or – avec des milliers de pièces libanaises parmi lesquelles ces petits sous troués – comme criblés de balles – qui furent la première monnaie du Liban.
La musique, celle de ŠamaŠ Itima (Soleil noir) résonne dans cet espace cérémonial, convoquant un chœur mixte de 32 voix placé à la périphérie – celui de la compagnie La Tempête. Le texte (Lamentation d'Ur) est psalmodié dans une langue imaginaire inspirée des sonorités de la langue sumérienne. Au terme de cette boucle de 11'30 destinée à tourner sans fin (la partie de chœur passant à travers les haut-parleurs), une voix d'enfant apporte un message d'espoir en langue arabe : prophétique et saisissant ! (MT)