Le grand mystère de Noël selon l’ensemble La Sportelle

Après la lumière sonore de leur album Lux, l'ensemble La Sportelle, partie prenante de Rocamadour -Musique sacrée, se tourne vers la force grave des chants de Noël français et anglais.

L'ensemble La Sportelle est un ensemble de voix principalement a cappella, dont vingt-cinq chanteurs prennent part à cet enregistrement. La formation a été spécifiquement créée pour tenir le rôle d'ambassadeur de « cet esprit si particulier de Rocamadour, appelé à se mettre au service du répertoire sacré », un esprit malheureusement perturbé par les récentes controverses sur le sanctuaire.

Le champ des possibles est donc large, à l'image de cette programmation musicale qui mêle chant grégorien et chants anglophones du XX^e siècle, les pièces plus contemporaines s'avérant souvent influencées par la musique médiévale.

C'est dans une atmosphère sombre et une ambiance mystique que Le grand mystère mené par la nouvelle directrice musicale Alix Dumon-Debaecker se développe durant plus d'une heure dix de musique purement vocale. La symbiose des voix est de très grande qualité, à l'image de l'Hymn to the Virgin de Benjamin Britten où la piété de Marie est traduite par une solennité envoutante des huit voix. Mais même si le canon de John Tavener A Christmas Round compose avec la pièce de Britten la partie de la programmation intitulée « Soyez joyeux », l'auditeur ne doit pas s'attendre à la ferveur enfantine qui accompagne généralement Noël, mais plutôt à une gravité prononcée face à l'avenir et à l'importance du nouveau-né. La partie « Réjouissez-vous » qui introduit le disque avec ses cinq pièces, est beaucoup plus introspective qu'exubérante, même si les harmonies déployées par James MacMillan (né en 1959) dans O Radiant Dawn sont lumineuses tout comme le soprano en solo dans A boy was Born de Britten, l'ensemble La Sportelle maîtrisant la ligne vocale par des nuances bien amenées. Gaudete de Steven Sametz (né en 1954) fait apparaitre un langage singulier, faussement médiéval, en vérité très moderne par ses harmonies et l'écriture mélodique entêtante que les chanteurs semblent déployer en un souffle.

Déjà présente dans leur premier disque Lux, il est dommage de retrouver la même pièce de Francis Poulenc, même si l'on comprend la démarche de confronter son O Magnum mysterium à celui de Pierre Villette (1926-1998), un chant mené selon une mélancolie lancinante et prenante grâce à un crescendo vibrant. Le même jeu est mené avec Quem Vidistis Pastores Dicite, une fois amené par un Répons d'un ténor solo dont le chant droit est parfaitement assuré (piste 10), puis par une composition de Francis Poulenc où dialoguent des lignes vocales élégantes (piste 11). Dans cette même partie intitulée « Un enfant nous est né », on note la belle rondeur des voix d'hommes dans l'antienne du Magnificat Hodie Christus natus est.

Pour les cœurs plus légers et ceux plus traditionnels, on appréciera la ferveur de la fête dans le Hodie Christus est extrait des Quatre motets pour le temps de Noël de Poulenc, ainsi qu'un étonnant Silent Night harmonisé avec grâce et modernité dans Mary's Lullaby de Fredrik Sixten (né en 1962). La sobriété vocale menée tout au long de cet enregistrement ne sera plus de mise dans le dernier morceau du disque, le contrepoint de John Tavener dans A Christmas Round se révélant le plus grandiloquant.