Les Écrits de Schönberg 1890-1951 : entre rigueur et intégrité
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Arnold Schönberg. Écrits 1890-1951. Edités par Jean-Pierre Collot et Philippe Albèra; Traduction : Jean-Pierre Collot ; Contrechamps Éditions /Philharmonie de Paris éditions. 1531 p. 42€. 2024
Compositeur et peintre, Arnold Schönberg (1874-1951) se voulait également écrivain. En témoigne le volumineux ouvrage des écrits du compositeur qui paraît à l’occasion du 150ème anniversaire de sa naissance, l’édition la plus complète à ce jour dirigée par l’auteur et musicologue Philippe Albèra avec la participation et la traduction du pianiste Jean-Pierre Collot.
Les auteurs ont procédé chronologiquement, scindant cet imposant volume en quatre parties et autant de périodes envisagées au sein de la longue carrière de Schönberg, de 1890 (il a 16 ans et écrit des poèmes) à sa mort aux États-Unis en 1951. Saluons d’abord la qualité littéraire de la traduction de Jean-Pierre Collot, bien supérieure à celle des Éditions Buchet-Chastel (Le style et l’idée de 1977) qui provenait de la version anglaise. L’aphorisme de 1912 (année du Pierrot lunaire) cité par Philippe Albèra dans son texte introductif donne le ton : « L’artiste n’a jamais un rapport au monde mais toujours contre le monde ; il lui tourne le dos comme le monde le mérite ». Homme du combat, solitaire et déterminé dans sa voie, Schönberg a toujours eu une haute estime de lui-même, se considérant comme un génie, celui, selon Kant, « qui donne à l’art ses règles ». C’est dans la seconde partie (1917-1926) qu’apparaissent les textes sur les principes de son écriture, Schönberg mettant au cœur de la problématique compositionnelle « l’Idée » sur laquelle il revient abondamment.
De ce dédale d’articles et de textes, dont certains inédits, les auteurs dressent une table analytique regroupant les articles par sujets, ce qui en facilite la lecture : Essais sur la musique, Aphorismes et pensées diverses, Politique, Judaïsme, Enseignement/pédagogie, Commentaires et analyses de ses propres œuvres, etc. S’exprimant volontiers sur les autres compositeurs et sur les interprètes, Schönberg encense Mahler qu’il porte aux nues (« l’un des hommes les plus grands qui puissent exister ») à qui il dédie son Traité d’orchestration (1911) ; il se méfie de Strauss, réhabilite Brahms, fait l’éloge de Berg (plus que de Webern) et déteste Toscanini qu’il fustigera jusqu’à sa mort : « un faussaire uniquement intéressé par les succès politiques », dénonce-t-il encore en 1950 ! Lors de son étape en France (Arcachon 1933) où il se reconvertit au judaïsme avant de partir aux États-Unis, il déclare « vouloir renoncer à mes activités de compositeur, d’écrivain, de théoricien de la musique etc. et de me dévouer désormais à une seule mission : travailler au salut du judaïsme ». Sans respecter ses propos à la lettre, il n’en expose pas moins en octobre 1936 un « Programme en quatre points pour la communauté juive » et rédige (message radiophonique ?) un projet utopique exposant en onze points les modalités de ce qu’il nomme « Le gouvernement juif en exil ».
À cette somme qui compose un autoportrait comme ceux qu’il peint en série (et qu’il nomme Regards), s’ajoutent deux feuillets de photographies ainsi que les textes de ses œuvres chorales, des psaumes de la dernière période, le livret de l’Échelle de Jacob, oratorio resté inachevé, ainsi que celui du Chemin biblique (1926) laissé à l’état d’esquisse, auquel il consacre quatre aquarelles reproduites dans le présent ouvrage.
Lire aussi : notre dossier « Petit dictionnaire Schoenberg »
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Arnold Schönberg. Écrits 1890-1951. Edités par Jean-Pierre Collot et Philippe Albèra; Traduction : Jean-Pierre Collot ; Contrechamps Éditions /Philharmonie de Paris éditions. 1531 p. 42€. 2024
Éditions ContrechampsPhilharmonie de Paris