Marie-Agnès Gillot, déesse samouraï pour Olivier Dubois

Olivier Dubois poursuit avec For Gods Only Sacre #3 son exploration du Sacre du printemps pour de grandes interprètes de la danse. Après Germaine Acogny, c'est à Marie-Agnès Gillot qu'il confie sa vision d'un sacre sacré au Théâtre du Rond-Point.

Voilà Marie-Agnès Gillot, hiératique et immobile, transformée en samouraï, harnachée jusqu'au menton dans une carapace de cuir noir à bavolets rigides. Un costume signé de la plasticienne Morgane Tschiember, qui a également conçu le décor. La danseuse se tient en effet sous un tori, ces portes de temple que l'on trouve au Japon, ici construit sous la forme d'un échafaudage traditionnel en bambou et cordes. Elle est assise, d'abord immobile, sur un petit banc – on pense au banc sur lequel Giselle effeuille la marguerite en attendant Albrecht – qui deviendra un accessoire important dans la suite du solo, tour à tour piédestal, autel, massue ou gibet.

Peu à peu, la danseuse se libère de ce qui l'empêche de bouger – costume, cordes – et laisse jaillir un mouvement impulsif, comme non contrôlé. Alors que s'élève la musique de Stravinsky, c'est à un palimpseste du Sacre du printemps que l'on assiste : les bribes de la chorégraphie de Nijinsky se télescopent à celle de Pina Bausch ou d'autres chorégraphes comme Maurice Béjart. On reconnaît le corps ployé en deux du Sacre par Pina, la gestuelle oblique de Nijinsky ou l'altière tenue d'un Béjart. Ce méli-mélo devient vite confus et oblitère toute vision singulière du Sacre du printemps.

C'est la grande déception de ce solo, auquel Olivier Dubois n'apporte pas de vision chorégraphique. On ne retrouve nulle part la patte personnelle du chorégraphe, auteur de Pour sortir au jour ou Auguri, alors qu'il aurait fallu écrire une partition inédite, véritablement taillée pour la grande danseuse étoile de l'Opéra de Paris qu'est Marie-Agnès Gillot, dont on a pu lire le parcours de souffrance dans son autobiographie Sortir du cadre. Car l'engagement de celle-ci sur scène est à la hauteur de son talent protéiforme qui associe expérience et maturité.

Marie-Agnès Gillot compense par une présence exceptionnelle l'absence de proposition chorégraphique et habite l'espace en se servant du costume et du décor comme moyens d'expression. Tirant les cordes, escaladant l'échafaudage pour une curieuse pause cigarette, esquissant des simulacres de combats… Mais à la fin du spectacle, on éprouve le sentiment qu'Olivier Dubois a laissé cette magnifique danseuse se débrouiller toute seule, ce que le public du Théâtre du Rond-Point sent aussi confusément, tant sa réception de For Gods Only est tiède.

Crédits photographiques : © Julien Benhamou