Un incontestable Benjamin Bernheim au Palais Garnier
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Paris. Palais Garnier. 24-XI-2024. Charles Gounod (1818-1893) : L’Absent. Reynaldo Hahn (1874-1947) : L’heure exquise. Ernest Chausson (1855-1899) : Poème de l’amour et de la mer. Hector Berlioz (1803-1869) : Les nuits d’été. Henri Duparc (1848-1933) : L’invitation au voyage, Chanson triste, Phidylé. Joseph Kosma (1905-1969) : Les feuilles mortes. Charles Trénet (1913-2000) : Douce France. Jacques Brel (1929-1978) : Quand on n’a que l’amour. Benjamin Bernheim, ténor ; Carrie-Ann Matheson, piano
Cadre assez inhabituel des récitals voix/piano, le Palais Garnier prend désormais l'habitude de consacrer certains dimanches soirs de cette saison 2024/2025 aux grandes voix. Ainsi chanteront en mars prochain Renée Fleming et Natalie Dessay. Benjamin Bernheim ouvre cette saison de concerts avec un programme qui le met parfaitement en valeur et le trouve très en voix.
Reprenant quasiment l'intégralité de son nouvel enregistrement, l'impact sonore du ténor franco-suisse dans la vaste salle du Palais Garnier est absolument saisissant. Le grain du timbre, les variations de couleur, les modulations du volume sonore sont parfaitement rendus dans les moins détails. L'impression de suprématie vocale est apportée par une prononciation qui laisse superflu le recours au livret contenant les paroles et convainc de la facilité avec laquelle le français peut être chanté avec autant d'évidence et de naturel. La magie de L'heure exquise permet au ténor de décliner avec délectation les changements de registre sans aucune rupture, laissant l'impression d'une harmonie entière dans l'ambitus. Le poème de l'amour et de la mort est assez atypique, étant donné dans une réduction piano qui ne peut rendre toute la complexité harmonique du flux orchestral. De grandes plages de virtuosité pianistique laissent néanmoins à Carrie-Ann Matheson (qui en a assuré la transcription) l'intelligence de cette mélodie infinie inspirée de Richard Wagner.
Les nuits d'été, habituellement interprétées par une voix féminine, sont empreintes de sourire (dans la Villanelle), d'une poésie ineffable où le désir est soutenu par le dénouement de la légende du Spectre de la rose et d'une mélancolie expressive dans Sur les lagunes. Enfin, la mélodie classique est finement abordée par la versatilité de Henri Duparc d'où émerge la Chanson triste habitée. La transition avec la chanson française est admirablement rendue par Les feuilles mortes qui allie la douloureuse évocation d'un amour défunt à une mélodie pleine de contrastes. Le chant se fait plus délié, toujours naturel, sans donner l'impression de devoir sonner comme une voix lyrique. La légèreté de Douce France et la déclaration finale de Quand on n'a que l'amour finissent de conquérir un public désormais à genoux devant une telle évidence dans le chant. En bis sont donnés l'air de Nadir des Pêcheurs de perles, une nouvelle occasion de faire valoir un registre mixte émis pianissimo, face à un Werther (qui sera joué au Théâtre des Champs-Élysées en mars 2025 par le ténor) dont les Stances démontrent la solidité, si preuve il en fallait, de son haut médium émis à pleine voix, d'une puissance souveraine.
Un concert qui vient prouver que la magie du studio n'égalera jamais le frisson de la scène et que Benjamin Bernheim est désormais un ténor assurément incontournable dans le paysage lyrique international.
Crédit photographique : Benjamin Bernheim © Julia Wesely
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Paris. Palais Garnier. 24-XI-2024. Charles Gounod (1818-1893) : L’Absent. Reynaldo Hahn (1874-1947) : L’heure exquise. Ernest Chausson (1855-1899) : Poème de l’amour et de la mer. Hector Berlioz (1803-1869) : Les nuits d’été. Henri Duparc (1848-1933) : L’invitation au voyage, Chanson triste, Phidylé. Joseph Kosma (1905-1969) : Les feuilles mortes. Charles Trénet (1913-2000) : Douce France. Jacques Brel (1929-1978) : Quand on n’a que l’amour. Benjamin Bernheim, ténor ; Carrie-Ann Matheson, piano