Cinéma, Parutions

Prodigieuses : du jamais vu, du jamais entendu

Plus de détails

Prodigieuses. Un film de Frédéric Potier et Valentin Potier. Scénario : Frédéric Potier, Valentin Potier et Sabine Dabadie. Musique originale: Dan Levy. Avec : Camille Razat, Mélanie Robert, Franck Dubosc, Isabelle Carré, August Wittgenstein, Lennart Betzgen, Elisa Doughty, Thomas Landbo, … Distribution : Apollo Films. Sortie le 20 novembre 2024. Format 2,35. Durée : 107:00

 

Quel mélomane connaît les sœurs Pleynet ? Avec Prodigieuses, Frédéric et ont eu à coeur d'inscrire dans les annales du septième art le destin extraordinaire de ces deux pianistes jumelles.

Les sœurs Pleynet ne sont pas aussi renommée que les sœurs Labèque. Le destin pianistique auquel les destinait leur père s'est vu contrarié par une maladie orpheline s'attaquant particulièrement aux articulations des mains, handicap assurément rédhibitoire quand on a rêvé pour sa progéniture d'un premier plan à la Mozart. Le portrait du génie salzbourgeois trône d'ailleurs en vademecum artistique dans la salle à manger des Vallois (le patronyme cinématographique des sœurs Pleynet), dont les « deux l » rappelés régulièrement au fil du film, annoncent les « deux ailes » de ce qui s'avérera au final une créature unique.

Contrairement à ce que son titre laissait présager, le film n'a presque rien d'un tire-larmes. Par-delà la banalité de son dernier plan, et la maladresse d'une avant-dernière scène bien maladroite (un mélodramatique dialogue père-fille aux toilettes, après un peu crédible pétage de plombs précédant une dernière entrée en scène), qui privent Prodigieuses d'une conclusion aussi enthousiasmante que celle du récent Ténor de Claude Zidi Junior, le premier long métrage des réalisateurs va son train, avec un allant que l'on perçoit aussi dans la B.O. lumineuse et prégnante de , co-fondateur du binôme The Do, avant de s'illustrer au cinéma, notamment dans le prometteur J'ai perdu mon corps de Jéremy Clapain.

De l'enfance à la résilience, Prodigieuses coche d'abord toutes les cases d'un parcours du combattant désormais bien balisé, celui du prétendant à la carrière solistique : l'émulation, la rivalité, l'éveil amoureux sous la férule d'un magister aussi sévère que séduisant (l'impeccable August Wittgenstein, parfait clone masculin de Kate Lindsey), l'empathie d'une mère rongée par le doute, les rodomontades d'un père obsédé par l'esprit de compétition. Les deux actrices (Camille Razat et Mélanie Robert), d'une justesse assez miraculeuse, même dans les plans rapprochés sur leur jeu pianistique, sont veillées par l'arrière-plan parental de la toujours vibrante Isabelle Carré et d'un Franck Dubosc appelé à confirmer en ex-champion d'apnée, la subtilité d'un jeu d'acteur qu'on avait pressentie depuis toujours, même dans les rôles comiques qui ont fait sa réputation.

Plein de surprises, donnant au passage l'envie de se mettre ou de se remettre au piano, le film bifurque souvent, jusqu'à la catastrophe de la révélation : les sœurs, nourries de claviers, de bémols, de dièses, de gammes, de Beethoven, de Mozart et de Rachmaninov, se voient enjointes par la praticienne qui les prend en charge à remplacer le célèbre aphorisme de Nietzsche « Sans la musique la vie serait une erreur » par : « Le Monde ne se réduit pas à la musique ». Après la dévastation, le rebond. Et l'inédit : pour continuer à jouer, Camille et Jeanne Vallois mettent au point un étonnant système, dont on laissera la surprise au futur spectateur du film, un système qui au passage fait de leur singularité (la gémellité) la solution de leur problème. Quelques clichés des vraies sœurs (Audrey et , déjà entr'aperçues dans le film de Nils Tavernier Le Mystère des jumeaux) n'ont plus dès lors qu'à conclure le film tandis qu'un carton nous apprend que les pianistes effectivement prodigieuses qu'elles sont devenues ont pu donner et donnent encore des concerts.

Du jamais vu, comme du jamais entendu, donc. Ce qui n'est pas tout à fait le cas de ce film grand public qui tire davantage son intérêt de cette histoire exemplaire que de la personnalité de son style cinématographique. On est loin du Pianiste de Polanski et plus encore de La Pianiste de Hanecke. Documentaristes attachés aux destins extraordinaires (Tony Zoreil, l'histoire d'un pianiste qui entendait trop fort, et 216 mois, celle d'une chanteuse ventriloque se produisant avec un micro sur le ventre), Frédéric et , père et fils, ont eux aussi été simultanément victimes, juste avant le tournage de Prodigieuses, de coups du sort qui ne furent pas loin de compromettre le destin du film. A l'instar du rêve pianistique des sœurs Vallois-Pleynet, Prodigieuses touche aussi en racontant en creux la volonté quasi-gémellaire des deux hommes d'aller au bout de leur rêve cinématographique.

(Visited 1 447 times, 1 visits today)

Plus de détails

Prodigieuses. Un film de Frédéric Potier et Valentin Potier. Scénario : Frédéric Potier, Valentin Potier et Sabine Dabadie. Musique originale: Dan Levy. Avec : Camille Razat, Mélanie Robert, Franck Dubosc, Isabelle Carré, August Wittgenstein, Lennart Betzgen, Elisa Doughty, Thomas Landbo, … Distribution : Apollo Films. Sortie le 20 novembre 2024. Format 2,35. Durée : 107:00

 
Mots-clefs de cet article

1 commentaire sur “Prodigieuses : du jamais vu, du jamais entendu”

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.