Réjouissante création des Trois Brigands d’après Tomi Ungerer à l’Opéra du Rhin
Plus de détails
Strasbourg, Cité de la musique et de la danse. 22-XI-2024. Didier Puntos (né en 1957) : Les Trois Brigands, opéra en 9 scènes, avec prologue et épilogue. Livret de Gilles Rico d’après Les Trois Brigands de Tomi Ungerer. Mise en scène : Jean-Philippe Guilois, Gilles Rico. Décors : Philippine Ordinaire. Costumes : Violaine Thel. Lumières : Nathalie Perrier. Avec : Ana Escudero, soprano (La Jeune Fille) ; Camille Bauer, mezzo-soprano (La Mère, la Tante, la Standardiste), Massimo Frigato, ténor (Premier Brigand, un voisin) ; Carlos Reynoso, baryton (Deuxième Brigand, le Père) ; Michal Karski, baryton (Troisième Brigand, un voisin) ; Cathy Bernecker (La Narratrice) ; Annalisa Orlando, piano ; Marcel Brasseur, clarinette ; Alex Moutoussamy et Martin Bourgeois, percussions. Musiciens de la HEAR, Opéra Studio de l’Opéra national du Rhin, piano et direction : Didier Puntos
Commander un « opéra de chambre » sur le célèbre album pour enfants Les Trois Brigands de Tomi Ungerer, cela permet à Alain Perroux, directeur de l'Opéra national du Rhin, de viser en même temps un grand nombre de très bons objectifs.
Assurer une création contemporaine, s'adresser à un jeune public, offrir un spectacle de qualité qui puisse voyager dans le cadre de l'opération Opéra volant, maintenir une collaboration avec les instrumentistes de la Haute Ecole des Arts du Rhin, donner à chanter aux membres de l'Opéra Studio, et encore, participer aux manifestations de « Strasbourg-Capitale du livre UNESCO 2024 » … tout cela est atteint en une seule et même excellente idée. Le livre illustré de Tomi Ungerer enchante les enfants et leurs parents depuis 1961, et le grand chapeau rond des brigands est devenu une sorte d'icône, qui peut attirer un public nouveau dans les salles. Reste qu'en faire un opéra est un vrai défi. L'intrique de l'album est assez ténue, et sans dialogues, dans sa version d'origine. Le librettiste Gilles Ricco a donc dû imaginer des scènes supplémentaires : on voit les parents de l'héroïne avant leur décès, une tante qui vient la chercher, une crise entre les trois brigands, une scène de bébé volé, et l'adjonction d'une narratrice comme une bonne marraine-fée. Cela fonctionne assez bien, d'autant plus que la narration, assurée par la croustillante Cathy Bernecker, permet de conforter la fidélité au célèbre illustrateur alsacien, en prodiguant une grande dose de tendresse et une petite pointe d'impertinence bien alsacienne.
Tout cela, bien tassé, tient une bonne heure et suit un rythme enlevé, théâtre, air, duos, théâtre, trio, etc… sur la très bonne musique de Didier Puntos. En fait, c'est une sorte de « Singspiel-Bédé » qu'il a inventé cette fois-ci. Le pianiste et compositeur s'est rendu célèbre pour ses différentes adaptations, notamment celle de L'enfant et les sortilèges de Ravel, mais là, c'est bien son écriture. Celle-ci, volontairement contemporaine, fait penser aux improvisations pianistiques des premiers films muets. En effet, ce sont bien deux pianos qui dominent, et l'accompagnement de la clarinette et de la percussion renforce la description des atmosphères. Le moment le plus brillant musicalement parlant est sans doute le quatuor des standardistes, hilarant, qui arrive effectivement au bord de l'explosion. On ne sort pas de ce spectacle avec une mélodie en tête, mais avec le souvenir d'une musique pétillante et joyeuse, parfaitement en phase avec les ambiances de rêve, de cauchemar, et les évolutions des personnages.
Sur le plateau, chantent et virevoltent de jeunes membres de l'Opéra Studio de l'Opéra national du Rhin. En termes de beau chant, la palme revient à la mezzo Camille Bauer, dont le timbre chaleureux et le phrasé souple font merveille. Mais l'ensemble est très homogène, et chacun tient très dignement sa partie. Ana Escudero, qu'on avait déjà remarquée dans Les Fantasticks, incarne la très jeune fille Tiffany, et lui donne toute la fraicheur et le tempérament voulus. Très bons et amusants sont aussi les trois brigands Massimo Frigato, Carlos Reynoso et Michal Karski, chacun avec son petit défaut et ses nombreuses qualités vocales, chacun avec son abattage scénique et chacun avec un savoureux petit accent cosmopolite qu'on ne cherche pas à identifier.
Les décors de Philippe Ordinaire et les costumes de Violaine Thel sont aussi fidèles que possible à l'album d'origine (avec même quelques intrants d'autres albums de Tomi Ungerer, comme le nounours, par exemple), mais ont dû rester compatibles avec les nombreux déménagements prévus, puisque le spectacle va tourner dans au moins huit communes de la Région Grand Est, après avoir été créé à Colmar le 13 novembre. En tout cas, ils sont efficaces et contribuent beaucoup au succès du spectacle.
Crédits photographiques © Klara Beck
Plus de détails
Strasbourg, Cité de la musique et de la danse. 22-XI-2024. Didier Puntos (né en 1957) : Les Trois Brigands, opéra en 9 scènes, avec prologue et épilogue. Livret de Gilles Rico d’après Les Trois Brigands de Tomi Ungerer. Mise en scène : Jean-Philippe Guilois, Gilles Rico. Décors : Philippine Ordinaire. Costumes : Violaine Thel. Lumières : Nathalie Perrier. Avec : Ana Escudero, soprano (La Jeune Fille) ; Camille Bauer, mezzo-soprano (La Mère, la Tante, la Standardiste), Massimo Frigato, ténor (Premier Brigand, un voisin) ; Carlos Reynoso, baryton (Deuxième Brigand, le Père) ; Michal Karski, baryton (Troisième Brigand, un voisin) ; Cathy Bernecker (La Narratrice) ; Annalisa Orlando, piano ; Marcel Brasseur, clarinette ; Alex Moutoussamy et Martin Bourgeois, percussions. Musiciens de la HEAR, Opéra Studio de l’Opéra national du Rhin, piano et direction : Didier Puntos