Du swing à la Philharmonie de Paris avec le COE et Antonio Pappano
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Paris. Philharmonie. Grande Salle pierre Boulez. 18-XI-2024.Darius Milhaud (1892-1974) : la Création du monde op. 81a ; Maurice Ravel (1875-1937) : Concerto pour piano en sol majeur ; George Gershwin (1898-1937) : I Got Rhythm, variations pour piano et orchestre ; Leonard Berstein (1918-1990) : Fancy Free, musique pour ballet et orchestre. Bertrand Chamayou, piano. Chamber Orchestra of Europe, direction : Sir Antonio Pappano.
Pour cette dernière étape parisienne d'une tournée européenne, l'Orchestre de chambre d'Europe, dirigé par Antonio Pappano, rend un vibrant hommage au jazz symphonique dans un concert d'une grande cohérence thématique convoquant Darius Milhaud, Maurice Ravel, George Gershwin et Leonard Bernstein, avec le pianiste Bertrand Chamayou en soliste.
C'est avec La Création du monde de Darius Milhaud que s'ouvre ce concert célébrant les noces du jazz et de la musique classique. Une œuvre résultant d'une commande des ballets suédois qui trouve son inspiration dans les contes africains rapportés par Blaise Cendrars dans son Anthologie nègre. Composée durant l'entre-deux guerres, en 1923, elle fait suite au séjour américain du compositeur, se situant entre « la musique de Broadway et les passions de Bach » (!) et comprend cinq parties jouées enchainées. S'appuyant sur un petit effectif de dix-sept instrumentistes avec un instrumentarium original laissant une large place au saxophone alto remplaçant l'alto dans le quatuor, Darius Milhaud nous propose, pour cette invitation à la danse, une sorte de mythologie cosmogonique et païenne qui retrace le chaos de la Création, puis l'apparition de la faune et de la flore avant que n'apparaisse l'homme et la femme, tous deux habités d'un ardent désir qui ne trouvera sa résolution que dans une danse orgiaque et furieuse avant que de se conclure sur un long baiser apaisé…Toutes occasions de faire valoir dès l'entame la superbe sonorité du saxophone de Simon Haram dans une ample mélodie soutenue par de beaux contrechants de trompette, avant que le phrasé ne se creuse pour s'étendre au tutti (chaos) d'où émergent des accents jazzy bien marqués (petite harmonie, piano tenu par Bertrand Chamayou) réhaussés des interventions sensuelles de la clarinette, de la flûte et du hautbois dans une lecture très narrative mettant en avant la grande richesse timbrique de l'orchestration où l'on admire tout à la fois la maestria de la direction, la précision rythmique et l'impeccable mise en place.
Il serait bien vain de présenter le fameux Concerto en sol de Maurice Ravel, composé en 1932, dont la virtuosité de l'écriture pianistique n'a d'égale que celle de l'orchestration savante et délicate ; Trois mouvements s'y succèdent dont Bertrand Chamayou offre une interprétation enthousiasmante combinant profondeur du propos et virtuosité échevelée. L'Allegramente met immédiatement en exergue la variété du jeu du pianiste en totale symbiose avec l'orchestre (piccolo, trompette, harpe) sur des rythmes alternant syncopes et langueur ; l'Adagio, empreint d'une intense poésie, prend ensuite le ton de la confidence (on pense au Quintette pour clarinette de Mozart), parfois douloureuse (cor anglais) pour égrener ses notes diaphanes tandis que la petite harmonie soutient un émouvant dialogue sans pathos excessif avec le soliste ; le Presto final laisse enfin libre cours à une virtuosité pianistique et orchestrale débridée dans une folle poursuite, complice et envoutante, conclue par quatre accords cinglants.
Véritable pape du jazz symphonique, George Gershwin composa ses Variations pour piano et orchestre sur le thème « I got Rhythm », en 1934 pour célébrer le dixième anniversaire de la Rhapsody in Blue. Un thème extrait du musical « Girl Crazy » énoncé à découvert par le soliste qui devient ensuite prétexte à une série de variations rythmiques et fantasques, parfois sensuelles, superbement servies par Bertrand Chamayou, soutenu par l'adhésion sans faille de l'orchestre (clarinette, saxophone, cordes, xylophone, cuivres et percussions).
Œuvre de jeunesse, composée par Leonard Bernstein en 1944, Fancy Free est une musique de ballet destinée au Metropolitan Opera marquant le début d'une riche collaboration avec le chorégraphe Jerome Robbins. Son synopsis qui servira de base à la comédie musicale « On The Town » nous conte les pérégrinations de trois marins cherchant l'amour durant une escale de vingt-quatre heures à New-York. Là encore dans une lecture très narrative Antonio Pappano nous entraine dans cette nuit américaine pour une errance haute en couleurs, très rythmique, faite de nonchalance, de bagarres et de danse, recrutant tour à tour tous les pupitres de l'orchestre avec des effets de masse bien marqués (cuivres dont la superbe trompette solo, percussions) et des performances solistiques superlatives (piano de Bertrand Chamayou, violon solo) : une bien belle façon de conclure dans la joie ce remarquable hommage au jazz symphonique.
Crédits photographiques : Antonio Pappano © Musacchio et Ianniello / EMI ; Bertrand Chamayou © Audoin Desforges
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Paris. Philharmonie. Grande Salle pierre Boulez. 18-XI-2024.Darius Milhaud (1892-1974) : la Création du monde op. 81a ; Maurice Ravel (1875-1937) : Concerto pour piano en sol majeur ; George Gershwin (1898-1937) : I Got Rhythm, variations pour piano et orchestre ; Leonard Berstein (1918-1990) : Fancy Free, musique pour ballet et orchestre. Bertrand Chamayou, piano. Chamber Orchestra of Europe, direction : Sir Antonio Pappano.
J’ai eu la chance d’assister à ce concert à Dijon, le 17 novembre. Ce fut un moment inoubliable , notamment pour « La création du monde », que je ne connaissais pas et pour le deuxième mouvement du concerto en sol de Ravel, don Bertrand Chamayou et l’orchestre nous ont fait vivre une véritable leçon d’hypnose musicale. Mille fois merci.
Merci pour votre avis sur ce concert